APRÉS PLUSIEURS MOIS D’UN COMBAT ACHARNÉ, LES SIOUX LAKOTA DE LA RESERVE DE STANDING ROCK DANS L’ ETAT DU NORD MONTANA VIENNENT D’ OBTENIR UNE MODIFICATION DU TRACÉ DU PIPELINE DAPL (DATA ACCES PIPELINE)

Depuis plusieurs mois, des tribus sioux du nord des États-Unis luttent contre le projet d’oléoduc Dakota Access, qui menace leur approvisionnement en eau et les terres sacrées de leurs ancêtres. Le 3 décembre, l’administration du Nord Dakota en charge de délivrer le permis de creuser dans la réserve de Standing Rock a décidé d’imposer à Energy Transfer Partner une révision du tracé du pipeline considérant la vallée du Missouri comme une zone intouchable.

Le combat a commencé le 1er avril. Pour lutter contre le passage de cet oléoduc tout près de la réserve indienne de Standing Rock, plusieurs tribus sioux ont créé, à quelques kilomètres de là, le Sacred Stone Camp, un camp de fortune situé dans la zone de Cannon Ball. Depuis, plusieurs milliers de personnes, dont les représentants de 200 tribus, selon Reuters, sont venues les rejoindre. Ce nouvel oléoduc à 3,7 milliards de dollars, dont le tracé a reçu une autorisation fédérale, s’appelle le « Dakota Access ». Il a été conçu pour traverser quatre États sur près de 1.900 km, du Dakota du Nord à l’Illinois, avant d’être raccordé à un autre oléoduc pour alimenter les raffineries du golfe du Mexique.

« Dix-huit millions de personnes vivent en aval de cette rivière » Selon les défenseurs du projet, porté par la société texane Energy Transfer Partners, il s’agirait d’un moyen de transport plus sûr que le train pour un matériau hautement inflammable. Mais, si les habitants de Standing Rock sont inquiets, c’est à cause des inévitables fuites de ce gros tuyau de 76 cm de diamètre censé transporter entre 470.000 et 570.000 barils de pétrole par jour. De quoi menacer l’agriculture et les réserves d’eau potable ainsi que tout un écosystème : des nids d’aigles d’Amérique aux plantes médicinales en passant par la culture du riz sauvage.

« Au départ, l’oléoduc devait traverser la rivière Missouri près de la ville de Bismarck, mais les autorités étaient inquiètes, car une fuite de pétrole aurait souillé l’eau potable de la capitale de l’État. Ils ont donc décidé de déplacer le projet à un demi-mile [moins d’un kilomètre] en amont de la réserve, le long d’une terre volée à la tribu en 1958, et ce sans leur consentement », rappelle, dans une tribune publiée dans le New Yorker, Bill McKibben, fondateur d’une ONG environnementale.

« Mais les conséquences ne concernent pas que la réserve », enchérit Kandi Mossett « Eagle Woman », activiste responsable des questions d’énergie chez Indigenous Environmental Network et elle-même membre d’une tribu sioux du nord-ouest de Standing Rock.

Alors que la moitié de l’oléoduc a déjà été construite, les Sioux de Standing Rock accusent aussi les travaux de vandaliser des terres considérées comme sacrées ainsi que des lieux de sépulture et de prière. « Ils ont violé la mémoire sacrée de mes ancêtres »

Face à ces attaques, les activistes de Standing Rock ont tenté de faire entendre leur voix via une campagne nationale. Une pétition a été lancée et a rassemblé près de 300.000 signatures. Plus récemment, le soutien de plusieurs stars d’Hollywood, comme Leonardo DiCaprio, Ben Affleck, Robert Redford ou encore Susan Sarandon, a aidé à médiatiser le combat.

Grâce à cette médiatisation, des soutiens venus d’Europe, d’Asie ou encore d’Australie ont afflués vers le camp.

Les tribus sioux ont alors formulé un recours auprès d’une cour fédérale réclamant une suspension temporaire des travaux.
Un juge a émis un premier avis, mardi 6 septembre, suspendant la construction sur la partie Est du site. « Mais c’est sur la partie Ouest que tous les sites sacrés se situent, s’alarme Kandi Mossett. Par chance il a plu ces derniers jours donc les travaux ont été suspendus.»
Le juge a rendu un avis plus complet vendredi 9 septembre, rejetant la requête et provoquant la colère des opposants à Dakota Access. Le gouverneur du Dakota du Nord avait d’ailleurs mobilisé la Garde nationale en prévision de ce jugement. Mais, signe que le dossier devient politique, l’armée ainsi que les départements de la Justice et de l’Intérieur ont ordonné la suspension des travaux jusqu’à nouvel ordre et appellent à une consultation avec les tribus. Quoi qu’il arrive, les membres du Sacred Stone Camp restèrent mobilisés.
« Nous serons là aussi longtemps qu’il le faudra », assure Kandi Mossett.

Alors que le Dakota Access mesure seulement 11 km de moins que Keystone XL, dont l’annulation par le président Barack Obama cette année a été saluée par les associations environnementales, l’interrogation est légitime :

pourquoi cet oléoduc a-t-il été autorisé aussi rapidement, sans consultation et consentement préalable ?

Le pipeline a été approuvé cet été par une agence fédérale différente, la U.S. Army Corps of Engineers, qui s’est servie d’une solution de facilité appelée « Permit 12 ». « Cela a permis de fractionner le projet en centaines de petites sections, sans avoir à réaliser d’étude d’impact globale ni de consultation avec les tribus. Le “Permit 12” n’est en général pas utilisé pour les oléoducs, nous sommes dans une sorte de vide juridique », explique à Reporterre Kendall MacKey, de 350.org. Les activistes en appellent désormais au chef de l’État, qui, de se son propre aveu, souhaite laisser en héritage ses efforts pour l’environnement. « Obama a fait une déclaration très décevante au sujet de l’oléoduc, regrette Kandi Mossett. Lors de sa visite à Standing Rock, en 2009, il avait dit qu’il serait là pour nous, mais ça n’est pas le cas. Il doit s’élever contre ce projet et nous aider à protéger notre culture. »

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La décision du 3 décembre est un premier résultat positif pour ce combat
Affaire à suivre
Source : Yona Helaoua pour Reporterre et CSIA -Paris

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