Situation des droits fonciers des autochtones pygmées

Période coloniale et postcoloniale

Pendant l’époque coloniale et postcoloniale, les activités d’exploitation forestière et les projets de conservation ont énormément réduit le territoire disponible pour les communautés pygmées mais ils n’étaient et ne sont toujours pas capables de défendre leurs terres contre les pénétrations de l’extérieures. Toutefois, le processus de sédentarisation, aggravée par une dégradation environnementale, a réduit la zone de forêt disponible pour les diverses bandes, car même leur petite agriculture de jardin ne leur permet pas de voyager trop loin de leurs fermes et parcelles permanentes. Ces zones se trouvent sous pression, car ni les Baka et Bakoya, ni les Babongo etc. n’ont développé des stratégies efficaces pour protéger les forêts qu’ils utilisent. A long terme, l’absence de méthodes et de systèmes traditionnels pour défendre leurs « biens/propriétés » contre des étrangers ainsi que l’absence de possessions légales (fournies par le gouvernement) ont résulté dans une vulnérabilité de plus en plus importante de leur mode de vie, de leur culture et de leur style de vie, qui leur sont de plus en plus imposés à cause de l’absence de l’alternative de pouvoir disparaître dans la forêt – à devenir dépendant de leurs voisins.1

 

La forêt, la terre et les richesses qui s’y retrouvent sont des éléments essentiels au mode de vie et à la subsistance des peuples pygmées du Gabon. Les « pygmées » de la République du Gabon font face à un problème foncier dû essentiellement à la non reconnaissance par le Gouvernement de leur mode de vie nomade, et par conséquent l’absence de protection juridique de leurs terres ancestrales.

La loi foncière gabonaise consacre l’État comme seul et unique propriétaire du sol et du sous-sol.
Par ailleurs, à l’instar de plusieurs lois foncières en Afrique centrale, elle ne reconnaît que l’occupation et l’usage visible de la terre. Autrement dit, les terres non visiblement occupées et utilisées sont considérées comme vacantes et reviennent automatiquement à l’État qui peut les affecter à divers usages, notamment à la conservation ou l’exploitation forestière.

Bien qu’elle ne confère pas un droit de propriété, la coutume est, cependant, reconnue comme source des règles d’usage et d’occupation de certaines terres en milieu rural. Mais encore une fois, les règles coutumières de gestion des terres par les « pygmées » ne jouissent pas du même statut. Les pygmées considérés comme premiers habitants ont été écartés de la gestion de la terre. La coutume permet aux Bantous de considérer les pygmées en reconnaissant leurs droits d’usage mais non de propriété.

Un texte sur les enquêtes de mise en valeur des terres existe avec un accent particulier sur une occupation et un usage visibles des terres. A l’aide de ce texte, plusieurs communautés locales jadis propriétaires traditionnels de leurs terres, sont devenues des locataires vivant au jour le jour selon la volonté de l’État et des grands propriétaires fonciers. Il s’avère ainsi que le Gabon n’a pris ni une nouvelle politique foncière post coloniale, ni fait passer une loi qui corrigerait des injustices historiques dont ont souffert et continuent de souffrir des communautés pygmées dans ce domaine.

Au fait qu’il n’y a pas de loi qui protège les droits fonciers des « pygmées », s’ajoute le fait que les communautés non « pygmées » n’acceptent pas qu’un « pygmée » puisse être propriétaire foncier. Une terre occupée ou utilisée par un « pygmée » est dans certains milieux considérée comme n’appartenant à personne. Les « pygmées » ne sont pas reconnus comme propriétaires, et peuvent être expulsés de leurs terres à tout moment. Par exemple, les pygmées qui ont été déplacés par le Gouvernement de la forêt vers le district de Minvoul rencontrent des difficultés sur les terres où ils habitent et sont souvent menacés, même si le terrain leur a été attribué par la Préfecture. La création de parcs nationaux constitue une menace supplémentaire pour les droits fonciers coutumiers des peuples autochtones étant donné que ces aires protégées font partie intégrante du domaine de l’Etat au sein duquel les communautés n’ont qu’un faible droit d’usage.2

Révision du Code forestier du Gabon

Une révision du Code forestier, Loi n°16-01 du 31 décembre 2001 a été engagé par le Ministère des eaux et forêts. Les objectifs de cette révision est de renforcer la prise en compte de la société civile en accompagnement de la vision du nouveau Président : l’émergence. Il doit permettre également de revoir le contenu des articles sur les droits d’usage coutumier et ceux sur les forêts communautaires dans le contexte de la mise en place des 13 Parcs nationaux.

Forêts communautaires

Réunion villageoise © Sylvie Boldrini

Dans le Code forestier des articles figurent sur les « forêts communautaires » mais les Décrets d’application n’ont jamais été émis. Les populations peuvent d’ors et déjà bénéficier de « forêts communautaires » au Cameroun et en Guinée – Equatoriale, et la loi le prévoit également au Gabon et en RDC.
Au Cameroun, 67 forêts communautaires ont été constituées depuis 1997 (sur 180 demandes reçues), pour environ 240.000 ha (GFW, 2005) et ce nombre serait de plus de 80 fin 2005. Depuis 2002, les communautés bénéficient d’un droit de préemption sur les futures «ventes de coupes» prévues dans le domaine national.
En RCA, bien que le code forestier ne mentionne pas cette possibilité, un projet pilote a démarré pour la constitution de 6 forêts communautaires.
Au Gabon, le gouvernement envisage la constitution de forêts communautaires dans le cadre de projets pilotes (OIBT, 2005).4 Les programmes régionaux pour délimiter les forêts des communautés ont continué, notamment au nord-est du Gabon autour du Parc National de Minkébé, où Nature Plus, une ONG européenne, poursuit son programme de cinq ans visant à la mise en place de la sylviculture communautaire.5

Déclaration du second Forum international des peuples autochtones d’Afrique Centrale (FIPAC 2011) sur la question foncière.3

« 4‐ Concernant la question foncière, nous continuons de faire face la négation de nos droits. Nous sommes conscients de l’évolution des contextes et savons que nous ne pouvons plus vivre toute la dimension de notre culture. Il y nécessité de nous adapter. Mais notre adaptation doit être progressive et accompagnée, afin d’éviter la déroute culturelle l’extinction de nos peuples.
La question des droits fonciers est fondamentale dans ce processus d’adaptation et de promotion de notre culture.
La question des droits fonciers des Peuples autochtones va au‐delà de la simple question de droit de propriété foncière. La propriété foncière est essentielle pour notre ancrage au sol, pour la sédentarisation forcée à laquelle nous faisons face, et pour la sécurisation de notre espace de vie dans un contexte de sédentarisation. Toutefois, la propriété foncière n’est qu’un élément dans la problématique des droits fonciers des Peuples autochtones.
Nos droits concernent, en plus de la question de propriété foncière :
• Les droits d’usage transversal des espaces pour satisfaire nos besoins économiques et culturels ;
• Les droits de circulation transfrontalière et dans l’ensemble des territoires nationaux ;
• Les droits de prélèvement spécial de certaines ressources pour des besoins culturels et religieux ».

1 : SCHMIDT- SOLTEAU Kai Dr. , 2005, PSFE : Plan de Développement des Peuples Autochtones.
2 : UNION AFRICAINE. Groupe de travail delà Commission africaine sur les populations/communautés autochtones, 2007, Visite de recherche et d’information en République du Gabon.
3 : FIPAC, Second Forum International des Peuples Autochtones d’Afrique Centrale, 2011, Déclaration des populations autochtones
4 : PFBC, Le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo, 2006, Les Forêts du bassin du Congo, état des forêts 2006, 258p.
5 : IWGIA, 2008 , The Indigenous World, rapport sur le Gabon traduit en français par le GITPA

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