Processus internationaux
Régulation des entreprises transnationales
- Textes de référence et Actualité en 2014
- Comptes rendu des réunions du Groupe de travail de la CDH: 09/2015
Rapport du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, Rapport John Ruggie
Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme:
mise en oeuvre du cadre de référence «protéger, respecter et réparer» des Nations UniesPrésentation des Principes directeurs
1. C’est dans les années 90 que la question des entreprises et des droits de l’homme s’est imposée de façon permanente à l’ordre du jour des politiques internationales, témoignant du formidable essor mondial du secteur privé à l’époque, ainsi que du développement parallèle de l’activité économique transnationale.
Ces évolutions ont avivé la conscience sociale de l’impact des entreprises sur les droits de l’homme et ont également attiré l’attention des Nations Unies.2. Parmi les premières initiatives prises par les Nations Unies dans ce domaine figurent les Normes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises qui ont été rédigées par un organe subsidiaire composé d’experts de ce qui était alors la Commission des droits de l’homme.
Il s’agissait pour l’essentiel d’étendre aux entreprises, en application directe du droit international, la même série d’obligations en matière de droits de l’homme que les États contractent pour euxmêmes lorsqu’ils ratifient des traités:
«PROTEGER, RESPECTER, REPARER
les droits de l’homme».3.La Commission n’a pas voulu donner suite à la proposition. Elle a préféré en 2005 établir un mandat à l’intention d’un Représentant spécial du Secrétaire général «chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises» pour engager un nouveau processus et a prié le Secrétaire général de désigner le titulaire du mandat.
4.En juin 2008, le Représentant spécial n’a fait qu’une recommandation, à savoir que le Conseil appuie le Guide des Principes Directeurs: «Protéger, Respecter Réparer» qu’il avait mis au point à l’issue de trois années de recherches et de consultations. Le Conseil y a consenti, en «accueillant avec satisfaction» le cadre de référence.
5.Le Guide repose sur trois piliers:
Source: Extrait du Rapport Ruggie.
Accès au rapportÉvènements en 2014
Discussion sur les traités contraignants et l’extension du mandat du groupe de travail
Dans la question des rapports entre les sociétés transnationales (STN) et les droits de l’homme plusieurs discussions étaient en cours, en 2014, qui se rapportaient, à divers degrés, aux droits des peuples autochtones. Celle qui eut le plus de retentissement international concernait la création d’un Traité international sur la réglementation des rapports entre les STN et les droits de l’homme qui, éventuellement, remplacerait le Guide des principes de 2011.
L’Equateur a proposé la création d’un mécanisme international contraignant pour réparer les dommages aux droits de l’homme effectués par les STN. Des tentatives en faveur de telles propositions existaient depuis le début des années 1970 mais elles avaient échoué. L’Equateur ayant renouvelé sa tentative, de chaudes discussions entre les pour et les contre un mécanisme contraignant, ont dominé le débat. Parmi les États, l’Equateur et l’Afrique du sud étaient les plus chauds partisans tandis que la plupart des États de l’Union européenne avec le Canada, les États unis et l’Australie étaient parmi les opposants et favorisaient clairement une approche volontaire laissé à leur appréciation des Principes directeurs. Outre les États, une large coalition d’organisations de la société civile prirent part au débat et démarrèrent leur propre campagne en faveur d’un mécanisme contraignant.
Durant les discussions, des tentatives furent faites pour obtenir une seule résolution concernant à la fois les Principes directeurs et le futur traité contraignant. Les deux camps furent finalement incapables de parvenir à un accord et, par conséquent, deux résolutions furent rédigées.
En juin 2014, durant la 26ème session du Conseil des droits de l’homme, les représentants de l’Equateur et de l’Afrique du sud introduisirent un projet proposant la création d’un groupe de travail intergouvernemental, illimité dans le temps, en vue de l’établissement d’un mécanisme contraignant sur le respect des droits de l’homme par les entreprises multinationales et autres. Cette résolution fut soutenue par la Bolivie, Cuba, le Venezuela l’Algérie, le Salvador, le Nicaragua et le Sénégal. Elle fut adoptée par 20 voix pour, 14 voix contre et 13 abstentions et devint la résolution 26/9.
Dans une deuxième résolution le mandat du Groupe de travail de l’ONU fut prolongé de 3 ans (2015-17) avec la même composition.
La réponse des peuples autochtones à la proposition de traité contraignant a porté sur la longueur probable du processus d’établissement d’un tel traité. Une des préoccupations majeures pour les peuples autochtones était que le futur traité reflétât clairement leurs droits établis par la Déclaration des Nations unies de 2007 et par la Convention 169 de l’OIT.
Le document final de la Conférence mondiale des peuples autochtones fait référence aux Principes directeurs mais ne traite pas la question d’un possible mécanisme contraignant.
Projets d’action nationaux (NAP) sur la question des rapports entre droits de l’homme
et les sociétés transnationales (STN)En 2014, le groupe de travail de l’ONU sur les droits de l’homme et les STN mit l’accent sur l’aide à apporter au développement de Projets d’actions nationaux (National Action Projets - NAP’s) sur cette question.
Les premiers pays qui entreprirent de telles actions furent le Royaume uni, en septembre, et les Pays bas en décembre 2013. D’autres pays européens suivirent en 2014 : le Danemark, la Finlande, l’Italie et l’Espagne (projet de juillet 2014). Mais la plupart d’entre eux ne stipulèrent aucune action particulière en faveur des droits des peuples autochtones :
- le plan néerlandais n’en faisant aucune mention,
- deux allusions, sans prévoir d’actions, figurant dans le plan danois,
- la Finlande s’engagea à « poursuivre le dialogue avec les organisations de l’ONU liées aux questions autochtones et à s’assurer que les conséquences des activités économiques et industrielles seront portées à la connaissance de la Conférence mondiale des peuples autochtones, à l’automne 2014 »,
- le plan du Royaume uni mentionne deux fois les peuples autochtones dans une liste à consulter de groupes vulnérables et à propos desquels on doit appeler les activités des STN à la vigilance,
- le document de base italien ne fait, au passage, qu’une mention plutôt accidentelle aux peuples autochtones,
- un projet espagnol était le seul disponible en 2014 ; il fait une référence explicite à la Convention 169 de l’OIT et à La Déclaration des droits des autochtones de l’ONU.En 2014, le Groupe de travail sur les STN et les droits de l’homme, l’Institut danois des droits de l’homme (DIHR) et l’ International Corporate Accountability - ICAR se plaignirent ensemble du manque de directives dans le processus actuel d’élaboration des NAP’s. Le Groupe de travail établit en premier un Guide pour leur création, qui comporte trois références aux peuples autochtones, inclus dans la liste des groupes vulnérables, mais sans mentionner leurs droits particuliers ; il comporte aussi une note infra-paginale sur le rapport thématique du Groupe de travail sur les peuples autochtones.
En juin, le DIHR et l’ICAR produisirent un Guide pratique destiné à aider la confection des NAP’s et à contrôler la qualité de leur élaboration. Il introduit la notion d’évaluation de leur conception, préalablement à leur mise en œuvre. Ceci afin d‘évaluer la situation des droits de l’homme et les conséquences sur eux des activités des STN, permettant de mesurer les besoins dans ce domaine et les actions à entreprendre. Ce guide concerne le processus de conception d’un plan d' action, n’en préconçoit pas les résultats, ne fait pas référence aux droits et au cadre de l’action comme le fait la Déclaration des droits des peuples autochtones de l’ONU. Il met, cependant, un fort accent sur la nécessité de consulter les groupes de plus en plus menacés de violations des droits de l’homme.En décembre, l’Institut danois (DIHR) et l’ICAR évaluèrent, conjointement, les plans d’action existants. Dans la perspective des droits des autochtones, IWGIA participa à l’évaluation fournie par l’Institut danois. En 2014, plusieurs États lancèrent leur plan d’action. Parmi eux l’Allemagne qui envisage un processus de deux années débutant par l’évaluation proposée dans le Guide mentionné ci-dessus. En septembre, les États Unis démarrèrent un plan d’action par une phase de consultation de la société civile qui devait durer jusqu’au 15 janvier 2015. Alors que ce courant est dominé par les puissantes nations industrielles, plusieurs États africains, latino-américains et asiatiques : la Colombie, le Mozambique, le Myanmar (Birmanie) et le Mexique, ont entrepris de développer des plans d’action ou envisagent de le faire.
Des initiatives du monde des affaires sur le Consentement Préalable, Libre et Informé
En 2014, deux organisations patronales industrielles : le Conseil international des métiers de la métallurgie (CIMM) et l’Organisation mondiale des industries pétrolières et gazières pour les questions environnementales et sociales (acronyme anglais IPIECA), se penchèrent sur la question du Consentement préalable, libre et informé des peuples autochtones. Ces deux actions furent inspirées par le projet « Faire du consentement préalable, libre et informé une réalité » du groupe autochtone philippin « Philippine Indigenous peoples Links (Piplinks) » et de ses partenaires, basés au Royaume uni. En 2013, le CIMM a fait une Déclaration sur les peuples autochtones et l’industrie minière et, en 2014, a établi un Guide dont l’application pratique deviendrait effective en mai 2015. L’IPIECA avait annoncé, à la fin de 2013, préparer projet sur le consentement mais rien de public n’a été produit jusqu’à présent.
Le Réseau européen sur les peuples autochtones
Durant la session de 2014 du Mécanisme d’expertise sur les droits des autochtones des Nations unies, le Réseau européen sur les peuples autochtones qui comprend:
- IWGIA (Danemark),
- Piplinks (Royaume uni)
- le Forest Peoples Programme (Royaume uni)
- Almaciga (Espagne) et
- INFOE (Allemagne),
a lancé une étude sur les Principes directeurs de l’ONU et leur interprétation par rapport aux droits des peuples autochtones. La présentation en fut faite par le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits des peuples autochtones avec les représentants du Mécanisme d’expertise sur les droits des peuples autochtones et de l’Instance permanente sur les questions autochtones.Les peuples autochtones ont également participé activement au 3ème forum sur les STN et les droits de l’homme tenu à Genève du 1er au 3 décembre 2014 après une réunion préparatoire des autochtones. Dans cette réunion l’accent, cependant, n’était pas particulièrement mis sur les questions autochtones. A la différence de 2013, aucune table de discussion sur ces questions n’était prévue et le modèle de réunion par groupe avant la session fut abandonné parce qu’il limitait leur interaction. Par voie de conséquence, il n’y eut pas non plus de pré-session sur les questions autochtones.
Toutefois, plusieurs évènements parallèles traitèrent de différents aspects des droits autochtones. Un de ces évènements de haute tenue impliqua le Rapporteur spécial de l’ONU, Mme Vicky Tauli-Corpuz, la Présidente de l’Instance permanente, Dalee Sambo Dorough et un membre du groupe de travail M. Pavel Sulyadziga. Il traita la question de l’accès des peuples autochtones à la justice et aux réparations, dans le cadre des Principes directeurs. Le Réseau des autochtones asiatiques sur la question des industries extractives et de l’énergie a aussi organisé un événement parallèle sur les problèmes soulevés par les industries extractives et la solution que pourrait constituer l’application du consentement préalable, libre et informé.
Examen des politiques des Banques de développement
Le 30 juillet 2014, la Banque mondiale entreprit des consultations sur son nouveau projet : Encadrement social et environnemental de la consultation (Environmental and Social Framework - ESF). La future politique de la Banque concernant les peuples autochtones fut examinée par rapport aux Normes environnementales et sociales (Environmental and Social Standard - ESS) 7 ».
Sur le plan positif, le projet renforce le droit des autochtones à donner ou à refuser leur consentement et accroît leur protection contre des relocalisations forcées.
Sur le plan négatif, il diminue l’efficacité des mesures de protection en les répartissant entre plusieurs domaines.Le paragraphe 9 des Normes environnementales et sociales contient une clause qui permet aux gouvernements de se dispenser de leur application et d’adopter une « alternative » si cette
« application risque d’exacerber les tensions ethniques ou les conflits sociaux ou si la désignation de groupes culturellement différents n’est pas compatible avec les dispositions de la Constitution nationale ». Cette clause est une échappatoire de grande envergure et a suscité de très larges critiques car elle permettrait à la Banque et à ses emprunteurs de contourner sa propre politique et les dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones. Outre ces Normes 7, les règles concernant « l’acquisition de terres, les restrictions de leur usage et les relocalisations involontaires » ont été dénoncées par des défenseurs des droits car elles contiennent de graves entorses aux projets appropriés de relocalisation, dispensent de l’application des droits fonciers et de leur usage, ce qui signifie que « les peuples dont les droits sur les terres sont menacés par un projet foncier financé par la Banque parce que, par exemple, ils ne sont pas censés avoir des droits de propriété, deviennent totalement exposés à l’expulsion forcée par le gouvernement, la Banque ne leur donnant plus aucune protection ». Cette clause de dispense fait partie des changements critiqués dans une lettre à la Banque, écrite le 12 décembre 2014 par 29 experts et personnes mandatées par l’ONU tels que le rapporteur spécial sur les droits des autochtones et le Groupe de travail des Nations unies sur le monde de affaires (business) et les droits de l’homme.Johannes Rohr est historien et consultant indépendant sur la question des droits des peuples autochtones. Depuis 2012 il appuie le membre du groupe de travail de l’ONU, Pavel Sulyandziga, dans ses efforts pour promouvoir les droits autochtones dans le cadre du monde des affaires.
Source : IWGIA , The Indigenous world 2015
Traduction pour le GITPA par Simone Dreyfus-Gamelon