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QUI SONT LES PEUPLES AUTOCHTONES ? ANALYSE DES DEBATS TERMINOLOGIQUES AUTOUR DE LA NOTION DE PEUPLES AUTOCHTONES Source : Université de Bourgogne |
Le Forum permanent sur les questions autochtones fut créé en 2001 et a tenu sa 3 ème session à New York en mai 2004, dont le thème, « Les femmes autochtones », avait été décidé lors de la 2 ème session.
Ce numéro de la revue Indigenous Affairs rassemble des articles d’auteurs autochtones et non autochtones qui décrivent la situation des femmes dans différentes parties du monde. Ils reflètent des situations où celles-ci subissent une double discrimination comme autochtones et comme femmes.
Beaucoup de sociétés autochtones se réfèrent à des modèles traditionnels égalitaires où les hommes et les femmes ont des rôles complémentaires au travail et dans la famille. Beaucoup d’articles insistent sur le fait que c’est sous l’influence de groupes majoritaires ou de la colonisation et de la répression que ces rapports ont été modifiés. De nombreuses femmes autochtones se trouvent maintenant confrontées à des situations inégalitaires imposées par la société dominante et adoptées ensuite par leurs propres communautés. Dans le pays sami, les hommes sont devenus des « gagne-pain » tandis que les femmes sont confinées à la maison, alors que le modèle traditionnel était égalitaire. Malgré lui, nous dit Jorunn Eikjok dans son article, le mouvement des femmes sami est sévèrement critiqué par ceux qui suivent les modèles dominants ; les femmes non autochtones le critiquent aussi en lui reprochant de mettre l’accent sur les questions autochtones : « revendiquer notre identité culturelle et ethnique comme femmes, nous rend impopulaires chez nos soeurs de la société majoritaire. Nos frères nous ridiculisent parce que les questions de genre ne sont pas pertinentes pour eux. ». Les changements introduits par la colonisation et la christianisation sont au cœur de Cependant,, demeure. Elle sont une violation des droits humains des filles et les initiatives des femmes, issues de ces communautés, qui luttent pour leur abandon et proposent des alternatives culturelles, doivent être soutenues.
Plusieurs articles traitent de la violence contre les femmes, en diverses circonstances et sous diverses formes. Elle peut être une conséquence de conflits extérieurs ou dans l’entourage même. Là où l’instabilité et les conflits sont prévalents, ce sont les femmes qui en sont le plus victimes. Dorothy Jackson décrit comment les femmes twa (pygmées) souffrent de discrimination ethnique, de violence physique, sont souvent abusées sexuellement ou violées. Les femmes violées, en outre, affrontent l’ostracisme de leur propre communauté, qui craint qu’elles ne soient contaminées par le SIDA.
Le viol est souvent un moyen de contrôler et d’humilier systématiquement une population. Les femmes peuvent devenir les cibles des viols et des harcèlements sexuels afin de soumettre et casser des communautés en cas de conflit. Jannie Lasimbang note que les militantes sont particulièrement visées par les militaires. Stella Tamang en donne un exemple à propos du conflit entre le mouvement maoiste et l’armée au Népal, Par suite de l’émigration des hommes ou leur enrôlement parmi les combattants, on constate un accroissement du nombre de femmes chefs de famille et de maison ; qui doivent se débrouiller et pourvoir seules à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.
Les femmes jouent un rôle crucial pour mettre fin aux conflits et interviennent souvent, à leurs risques et périls, dans les processus de négociations de paix et de réconciliation. Elles sont, cependant, aussi souvent marginalisées lors des pourparlers et de la mise en place de l’autonomie. On en conclura que leur rôle dans la lutte pour la paix ne leur donne pas automatiquement un plus grand rôle dans la formalisation et la gestion de l’après conflit.
Les femmes autochtones sont particulièrement exposées à la violence de la discrimination ethnique, même en l’absence de conflit.. Dans le cas des femmes san de Namibie le préjugé, largement répandu, qu’elles sont des « femmes faciles » et qu’elles ne se sentent pas violées quand elles sont abusées sexuellement, accroît leur particulière vulnérabilité. Aux Etats-Unis, les femmes amérindiennes ont été historiquement – et le demeurent – sujettes au racisme et aux stéréotypes de genre dans les services de santé et de la prévention des maladies, comme le décrit l’article de Mililani Trask.
Outre les violences « extérieures », les femmes autochtones sont souvent victimes de violences domestiques. La marginalisation, les atteintes à la culture, la discrimination, fragilisent les communautés et augmentent leur violence interne. souvent liée à l’alcoolisme, beaucoup des articles le mentionnent. Michèle Rouleau présente l’organisation des femmes autochtones du Québec qui appelle à la non violence dans les familles et les communautés ; fondée en 1974, cette organisation a rencontré des succès substantiels dans sa campagne pour « briser le silence » autour de la violence domestique.
Les participantes à l’atelier « Les femmes autochtones vainquent la violence», tenu à Chiang Mai en Thaïlande, en septembre 2003, ont déclaré : « La violence envers les femmes n’est pas qu’une affaire privée. C’est une grave question sociale, très préoccupante, qui est une atteinte aux droits de l’homme pour de nombreuses femmes vivant constamment dans la peur pour leur vie et leur sécurité. »
Nous l’avons dit, les femmes autochtones subissent une double discrimination, comme femmes et comme autochtones, la pauvreté s’y ajoutant, elles sont triplement victimes d’être les plus pauvres parmi les pauvres. La question de la terre les affecte grandement mais elle est rarement mentionnée dans les organisations féminines non autochtones.
Malgré la persistance des discriminations, on a constaté certains développements positifs ces dernières années ; non seulement les femmes ont commencé à parler et à faire prendre conscience de leur situation, mais certaines ont réussi à occuper d’importantes positions dirigeantes et ont contribué au changement d’optique sur leur situation et celle des peuples autochtones . Indigenous Affaires publie une interview de Nina Paccari, première femme autochtone à occuper le poste de Secrétaire aux Affaires Etrangères de la république d’Equateur, qui présente le mouvement autochtone dans son pays et le rôle qu’elle y joue. De nombreuses femmes autochtones participent aux réunions des Nations Unies et y militent activement pour la promotion de leurs droits. Avec la participation de femmes autochtones qui ont fait entendre leurs revendications et attiré l’attention sur leur situation particulière, de nombreuses conférences se sont tenues dans les Amériques, en Asie et en Afrique pour préparer la réunion du Forum permanent sur les questions autochtones, tenu en mai 2004. Jannie Lasimbang fait savoir aux femmes autochtones comment dénoncer des violations des droits de l’homme sans devoir se rendre aux réunions internationales. Le rôle des femmes dans les mécanismes de prises de décision est crucial ; elles peuvent changer la perception sociale du genre dans la société en se saisissant des rôles dirigeants.
De plus en plus, des femmes autochtones créent des organisations ciblées sur leurs besoins et leurs préoccupations particulières. Ces organisations mettent l’accent sur les mêmes problèmes que les autres organisations de femmes comme la santé, la violence domestique et en général, le trafic des femmes, les femmes et le travail, etc. Cependant elles donnent à ces questions une dimension ethnique qui tient compte de la triple discrimination dont sont victimes les femmes autochtones souvent pauvres. Elles revendiquent aussi les droits sur la terre qui ne sont pas objets de revendications pour les femmes non autochtones.
Il faut espérer qu’à l’avenir les organisations féminines, autochtones ou non, avec le soutien d’autres organisations et de donateurs prendront davantage en considération, dans leurs projets, prgrammes et politiques, la situation exceptionnellement grave des femmes autochtones.