QUESTIONS AUTOCHTONES

LE RACISME ENVERS LES PEUPLES AUTOCHTONES

CONFERENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME

Source : doCip update n° 41-42 novembre 2001 - janvier 2002


DECLARATION

Constatant que la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en conjonction avec la Décennie internationale des populations autochtones, représente une occasion unique de prendre en considération la précieuse contribution des populations autochtones au développement politique, économique, social, culturel et spirituel de la société dans le monde entier ainsi que les difficultés auxquelles elles sont confrontées, dont le racisme et la discrimination raciale,

Sources, causes, formes et manifestations contemporaines du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée

13. Nous reconnaissons que l’esclavage et la traite des esclaves, en particulier la traite transatlantique, ont été des tragédies effroyables dans l’histoire de l’humanité, en raison non seulement de leur barbarie odieuse, mais encore de leur ampleur, de leur caractère organisé et tout spécialement de la négation de l’essence des victimes; nous reconnaissons également que l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité et qu’il aurait toujours dû en être ainsi, en particulier la traite transatlantique, et sont l’une des principales sources et manifestations du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, et que les Africains et les personnes d’ascendance africaine, de même que les personnes d’ascendance asiatique et les peuples autochtones, ont été victimes de ces actes et continuent à en subir les conséquences;

14. Nous reconnaissons que le colonialisme a conduit au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée, et que les Africains et les personnes d’ascendance africaine, de même que les personnes d’ascendance asiatique et les peuples autochtones, ont été victimes du colonialisme et continuent à en subir les conséquences. Nous sommes conscients des souffrances infligées par le colonialisme et affirmons qu’il faut les condamner, quels que soient le lieu et l’époque où elles sont advenues, et empêcher qu’elles ne se reproduisent. Nous regrettons en outre que les effets et la persistance de ces structures et pratiques aient été parmi les facteurs qui ont contribué à des inégalités sociales et économiques persistantes dans de nombreuses régions du monde aujourd’hui;

22. Nous sommes préoccupés qu’il existe encore dans certains Etats des structures ou institutions politiques et juridiques, parfois héritées du passé, qui ne sont pas toujours adaptées aux caractéristiques multiethniques, multiculturelles et multilingues de la population et constituent, dans bien des cas, un important facteur de discrimination qui mène à l’exclusion des peuples autochtones;

23. Nous reconnaissons pleinement les droits des peuples autochtones conformément aux principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des Etats, et soulignons donc la nécessité d’adopter les mesures constitutionnelles, administratives, législatives et judiciaires appropriées, notamment celles qui découlent des instruments internationaux applicables;

24. Nous déclarons que l’expression “peuples autochtones”, dans la Déclaration et le Programme d’action de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, est employée dans le contexte et sans préjudice des résultats des négociations multilatérales qui sont actuellement en cours sur des textes ayant spécifiquement trait à ces questions et que son utilisation ne saurait être interprétée comme impliquant de quelconques droits au regard du droit international.

Les victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée

39. Nous savons que les peuples autochtones sont victimes de discrimination depuis des siècles et nous affirmons qu’ils sont libres et égaux en dignité et en droits et qu’il faut éliminer toute discrimination à leur égard, surtout celle qui s’exerce en raison de leur origine et de leur identité autochtones; nous soulignons qu’il faut continuer à agir pour triompher du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance auxquels ils restent en butte;

40. Nous reconnaissons la valeur et la diversité des cultures et du patrimoine des peuples autochtones, dont la contribution particulière au développement et au pluralisme culturel des sociétés et la pleine participation à la vie en société sous tous ses aspects, notamment dans les domaines qui les concernent, sont indispensables à la stabilité politique et sociale et au développement des pays dans lesquels ils vivent;

41. Nous réitérons notre conviction que l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée nécessite le plein exercice, par les peuples autochtones, de leurs droits et de leurs libertés fondamentales. Nous réaffirmons énergiquement que nous sommes résolus à promouvoir le plein exercice de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et, tout en respectant pleinement leurs caractères distinctifs et les initiatives qu’ils pourraient prendre, à faire en sorte qu’ils jouissent des bienfaits d’un développement durable;

42. Nous soulignons que les peuples autochtones ne pourront exprimer leur propre identité et exercer leurs droits librement que si aucune forme de discrimination ne s’exerce à leur encontre, d’où la nécessité de respecter leurs libertés et droits fondamentaux. Des efforts sont en cours pour assurer la reconnaissance universelle de ces droits dans le cadre des négociations sur le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, lesquels sont notamment les suivants: droits d’utiliser leur propre nom, de participer librement et à égalité au développement politique, économique, social et culturel du pays, de conserver leurs propres formes d’organisation, leur mode de vie, leurs cultures et leurs traditions, de garder et d’utiliser leur propre langue, de maintenir leurs propres structures économiques dans les régions où ils vivent, de participer à l’élaboration de leurs systèmes et programmes d’éducation, de gérer leurs terres et leurs ressources naturelles, notamment en conservant leurs droits de chasse et de pêche, et d’avoir accès à la justice sur un pied d’égalité;

43. Nous reconnaissons également la relation spéciale que les peuples autochtones ont à la terre, qui est le fondement de leur existence spirituelle, matérielle et culturelle, et encourageons les Etats, chaque fois que cela est possible, à faire en sorte que les peuples autochtones puissent conserver la propriété de leurs terres et des ressources naturelles auxquelles ils ont droit en vertu du droit interne;

44. Nous nous félicitons de la décision de créer aux Nations Unies l’Instance permanente sur les questions autochtones, concrétisant les objectifs fondamentaux de la Décennie internationale des populations autochtones et de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne;

45. Nous nous félicitons de la désignation par l’Organisation des Nations Unies du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, et nous engageons à coopérer avec lui;

73. Nous estimons qu’un enfant qui appartient à une minorité ethnique, religieuse ou linguistique, ou un enfant autochtone ne doit pas être privé du droit d’avoir, individuellement ou en commun avec les autres membres de son groupe, sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d’employer sa propre langue.

Recours utiles, voies de droit, réparations, mesures d’indemnisation et autres mesures à prévoir aux échelons national, régional et international

103. Nous reconnaissons que les conséquences des formes contemporaines et passées du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée sont des entraves majeures à la paix et à la sécurité mondiales, au respect de la dignité humaine et à la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales d’un grand nombre de personnes dans le monde, en particulier des Africains, des personnes d’ascendance africaine, des personnes d’ascendance asiatique et des peuples autochtones.

PROGRAMME D’ACTION

Les victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée

Peuples autochtones

15. Prie instamment les Etats:

a) D’adopter ou de continuer d’appliquer, en concertation avec eux, des mesures constitutionnelles, administratives, législatives et judiciaires et toutes les mesures voulues tendant à promouvoir, protéger et garantir aux peuples autochtones l’exercice de leurs droits et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité, de la non-discrimination et d’une pleine et libre participation à tous les aspects de la vie sociale, en particulier dans les domaines qui touchent à leurs intérêts;

b) De faire mieux connaître et respecter la culture et le patrimoine traditionnel des autochtones; la Conférence mondiale se félicite des mesures déjà prises en ce sens;

16. Prie instamment les Etats de coopérer avec les peuples autochtones pour les encourager à accéder à l’activité économique et à améliorer leur situation du point de vue de l’emploi grâce, le cas échéant, à la création, à l’acquisition ou au développement d’entreprises par les peuples autochtones et à la mise en œuvre de mesures diverses, notamment en matière de formation, d’assistance technique et de crédit;

17. Invite instamment les Etats à collaborer avec les peuples autochtones pour concevoir et mettre en œuvre des programmes leur donnant accès à la formation et aux services susceptibles de favoriser le développement de leurs communautés;

18. Prie les Etats, agissant en concertation avec les femmes et les fillettes autochtones et en leur nom, d’adopter des politiques nationales et de lancer des programmes visant à promouvoir leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels; de mettre fin à la situation défavorisée qui est la leur pour des raisons tenant à leur sexe et à leur appartenance ethnique; de remédier aux problèmes urgents auxquels elles se heurtent dans les domaines de l’enseignement, de la santé physique et mentale et de la vie économique, ainsi qu’aux violences qu’elles subissent, y compris dans leur foyer; et de mettre un terme à la discrimination aggravée que subissent les femmes et les fillettes autochtones pour des raisons multiples tenant à la fois au racisme et à la discrimination sexuelle;

19. Recommande aux Etats d’examiner, à la lumière des instruments, normes et règles à caractère international relatifs aux droits de l’homme applicables, leurs textes constitutionnels, législatifs et juridiques et leurs politiques nationales, en vue d’isoler et d’éliminer les vestiges, explicites, implicites ou inhérents de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée à l’encontre des peuples autochtones et des autochtones eux-mêmes;

20. Demande aux Etats d’honorer et de respecter les traités et accords qu’ils ont conclus avec les peuples autochtones et de les reconnaître et les appliquer comme il se doit;

21. Prie les Etats de consacrer toute l’attention qu’elles méritent aux recommandations formulées par les peuples autochtones au cours des réunions organisées par eux-mêmes pendant la Conférence mondiale;

22. Demande aux Etats:

a) D’élaborer des mécanismes institutionnels de mise en œuvre des objectifs et des mesures concernant les peuples autochtones convenus dans le présent Programme d’action, et de les appuyer s’ils en sont déjà dotés; b) De promouvoir, de concert avec les organisations autochtones, les autorités locales et les organisations non gouvernementales, les initiatives visant à faire disparaître le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée auxquels sont en butte les peuples autochtones, et de procéder à l’évaluation périodique des progrès réalisés;

c) De mieux faire comprendre à l’ensemble de la société l’importance des mesures visant expressément à éliminer les désavantages dont souffrent les peuples autochtones;

d) De consulter les représentants des autochtones lorsque des décisions sont prises sur les politiques et les mesures qui les touchent directement;

23. Demande aux Etats de reconnaître les difficultés particulières que doivent surmonter les autochtones, en groupes ou isolément, quand ils vivent en milieu urbain, et engage instamment les Etats à mettre en œuvre des stratégies pour lutter efficacement contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée auxquels ils sont en butte, en prenant particulièrement garde à ce qu’ils puissent continuer à pratiquer leurs modes de vie traditionnels et leurs coutumes culturelles, linguistiques et spirituelles.

Autres victimes

50. Invite instamment les Etats à intégrer une perspective sexospécifique dans tous les programmes de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et à tenir compte du fait que la discrimination pèse particulièrement sur les femmes autochtones, les femmes africaines, les femmes asiatiques, les femmes d’ascendance africaine, les femmes d’ascendance asiatique, les femmes migrantes et les femmes appartenant à d’autres groupes défavorisés, à garantir en conséquence à ces femmes l’accès aux ressources productives à égalité avec les hommes et à les faire ainsi participer au développement économique et productif de leur groupe.

Mesures de prévention, d’éducation et de protection visant à éliminer, aux plans national, régional et international le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée

Ratification et application effective des instruments juridiques internationaux et régionaux pertinents relatifs aux droits de l’homme et à la non-discrimination

78. Engage vivement les Etats qui ne l’ont pas encore fait à envisager de signer et ratifier les instruments suivants ou d’y adhérer:

j) Convention de l’OIT relative aux populations aborigènes et tribales (no 169),

de 1989, et Convention sur la diversité biologique de 1992.

Education et mesures de sensibilisation

117. Engage vivement les Etats à allouer, le cas échéant en collaboration avec d’autres organes pertinents, des ressources financières pour l’éducation contre le racisme et le lancement de campagnes dans les médias destinées à promouvoir des valeurs telles que l’acceptation, la tolérance, la diversité et le respect à l’égard des cultures de tous les peuples autochtones vivant à l’intérieur des frontières nationales. En particulier, les Etats devraient promouvoir une compréhension juste de l’histoire et de la culture des peuples autochtones.

Stratégies visant à instaurer l’égalité intégrale et effective, notamment coopération internationale et renforcement des mécanismes mis en place par l’organisation des Nations Unies et autres mécanismes internationaux pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée

Peuples autochtones

203. Recommande que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies entreprenne une évaluation des résultats de la Décennie internationale des populations autochtones (1995-2004) et fasse des recommandations concernant la façon de célébrer la fin de cette décennie, y compris des mesures de suivi appropriées;

204. Prie les Etats de fournir les ressources nécessaires pour la mise en place d’une structure opérationnelle permettant d’asseoir sur une base solide le développement futur de l’Instance permanente sur les questions autochtones au sein du système des Nations Unies;

205. Invite instamment les Etats à coopérer avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones et prie le Secrétaire général et la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de faire en sorte que le Rapporteur spécial puisse disposer de toutes les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à l’accomplissement de son mandat;

206. Engage les Etats à mener à terme les négociations et à adopter le plus rapidement possible le texte du projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones examiné par le Groupe de travail de la Commission des droits de l’homme chargé d’élaborer un projet de déclaration, conformément à la résolution 1995/32 de la Commission des droits de l’homme en date du 3 mars 1995;

207. Demande instamment aux Etats, eu égard aux liens existants entre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, d’une part, et la pauvreté, la marginalisation et l’exclusion sociale des populations et des personnes à la fois aux niveaux national et international, d’autre part, de renforcer leurs politiques et mesures visant à réduire les inégalités de revenu et de richesse et de prendre, individuellement et dans le cadre de la coopération internationale, les dispositions requises pour promouvoir et protéger les droits économiques, sociaux et culturels d’une manière non discriminatoire;

208. Demande instamment aux Etats et aux organismes internationaux de financement et de développement d’atténuer tous effets néfastes de la mondialisation en examinant, entre autres, les incidences de leurs politiques et pratiques sur les populations nationales en général et sur les peuples autochtones en particulier, en veillant à ce que leurs politiques et pratiques contribuent à l’élimination du racisme grâce à la participation des populations nationales et, en particulier des peuples autochtones aux projets de développement, en démocratisant plus avant les institutions financières internationales et en consultant les peuples autochtones sur toute question susceptible d’influer sur leur intégrité physique, spirituelle ou culturelle;

209. Invite les organismes de financement et de développement ainsi que les programmes opérationnels et les institutions spécialisées des Nations Unies, agissant chacun dans le cadre de leur budget ordinaire et selon les procédures appliquées par leurs organes directeurs:

a) A accorder une priorité spéciale et des ressources suffisantes, dans leurs domaines de compétence, à l’amélioration de la condition des peuples autochtones, en s’attachant plus particulièrement aux besoins des autochtones dans les pays en développement, et notamment à l’élaboration de programmes spécifiques en vue de la réalisation des objectifs de la Décennie internationale des populations autochtones;

b) A mettre en œuvre, par des voies appropriées et de concert avec les peuples autochtones, des projets spéciaux destinés à soutenir leurs initiatives au niveau communautaire et à faciliter l’échange d’informations et de savoir-faire technique entre les peuples autochtones et les experts compétents.