QUESTIONS AUTOCHTONES

LA DIVERSITE CULTURELLE ET LES PEUPLES AUTOCHTONES

CONVENTION DE L'UNESCO SUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE

Source :Joelle Rostkowski janvier 2006

Cette Convention,adoptée le 20 octobre 2005, vise à réaffirmer les liens qui unissent culture, développement et dialogue et à créer une plate-forme innovante de coopération culturelle internationale. Depuis l’adoption de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, en 2001, l’opportunité de renforcer l’action normative en matière de diversité culturelle était débattue au sein de diverses instances intergouvernentales. L’élaboration de la Convention, puis son adoption lors de la 33 ème session de la Conférence générale de l’UNESCO, fera date car elle est apparue, sur la scène internationale et dans les médias, comme un manifeste pour une autre mondialisation (Le Monde, 17 octobre 2005)

Le Préambule de la Convention stipule que la diversité culturelle « constitue un patrimoine commun de l’humanité » et « qu’elle s’incarne dans l’originalité et la pluralité des identités ». Il reconnaît « l’importance des savoirs traditionnels… et en particulier  des systèmes de connaissance des peuples autochtones, et leur contribution positive au développement durable ». Il note « l’importance de la vitalité des cultures pour tous, y compris pour les personnes appartenant aux minorités et pour les peuples autochtones, telle qu’elle se manifeste par leur liberté de créer, diffuser et distribuer leurs expressions culturelles traditionnelles et d’y avoir accès de manière à en tirer des bénéfices pour leur propre développement ».

La Convention reconnaît la nature spécifique des activités, biens et services culturels. Ses objectifs consistent à « développer l’interaction culturelle dans l’esprit de bâtir des passerelles entre les peuples », à « promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et à « réaffirmer le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire ».(article premier)

Une série de principes directeurs (article 2) , garantit que toute mesure destinée à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles n’entrave pas « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales  telles que la liberté d’expression, d’information et de communication ». Le principe de « l’égale dignité et du respect de toutes les cultures » est affirmé, y compris « celles des personnes appartenant aux minorités et celles des peuples autochtones ». De plus, le « principe d’ouverture et d’équilibre » tend à assurer que, lorsque les États adoptent des mesures pour favoriser la diversité des expressions culturelles, ils veillent « à promouvoir, de façon appropriée, l’ouverture aux autres cultures du monde ».

Les droits et obligations des Parties (articles 5 à 11), comprennent une série de politiques et de mesures visant à protéger et à promouvoir la diversité des expressions culturelles, à favoriser et à encourager la créativité, à promouvoir la diversité des médias, à créer un environnement encourageant les individus et les divers groupes sociaux « en tenant dûment compte des conditions et des besoins particuliers des femmes, ainsi que de divers groupes sociaux, y compris les personnes appartenant aux minorités et les peuples autochtones ».

La promotion de la coopération internationale, concernant plus particulièrement les pays en développement, est au coeur de la Convention (article 12 à 19). La création d’un Fonds international pour la diversité culturelle est prévue (article 18), dont les ressources sont constituées par les contributions volontaires des parties, les fonds alloués par la Conférence générale de l’UNESCO, les divers versements, dons ou legs, le produit des collectes et recettes des manifestations organisées au profit du Fonds, et toutes autres ressources autorisées par le règlement du Fonds.

La Convention établit une série de mécanismes de suivi visant à assurer la mise en œuvre efficace du nouvel instrument, notamment un: mécanisme non contraignant de règlement des différends (article 25), qui encourage la négociation, puis le recours à la médiation. En dernier recours, une procédure de conciliation peut être engagée. La Convention ne prévoit aucun mécanisme de sanction.

Alors que l’UNESCO vient de fêter son soixantième anniversaire, la Convention apparaît comme un complément de son action normative pour préserver la diversité culturelle dans deux domaines fondamentaux  : patrimoine et création contemporaine.

Il n’existait pas jusqu’à l’adoption de la Convention de droit supranational dans le domaine de la culture. C’est désormais chose faite. La majorité des pays ont accueilli très favorablement la Convention. Au total, 151 États sur les 191 membres de l’UNESCO ont voté en faveur de l’adoption du texte, très soutenu par la France et par le Canada. Les États-Unis et Israël ont voté contre.

Comme l’a souligné Le Monde du 21 octobre, les pays favorables à la Convention  ont affirmé haut et fort que la culture ne doit pas être une marchandise comme les autres.  Les pays qui s’y sont opposés y voient un obstacle à la libre circulation des biens culturels, une « exception culturelle » injustifiée. Selon Jean Musitelli, ancien ambassadeur de France auprès de l’UNESCO, et membre d’un groupe d’experts qui a rédigé la Convention, « c’est peut-être davantage la signification politique de la Convention que son contenu » qui a suscité la vive opposition des États-Unis car ils étaient défavorables à l’idée qu’il puisse y avoir un « manifeste pour une autre mondialisation »(Le Monde, 17 octobre 2005).

Certains voient dans la Convention une garantie des cultures minoritaires. Le fait que les peuples autochtones y soient mentionnés plusieurs fois (préambule et dispositif) est considéré comme une avancée notable pour leur reconnaissance dans le domaine de la culture.

Pour entrer en vigueur, la Convention devra être ratifiée par trente pays au moins, ce qui va prendre un certain temps. Plus le nombre de pays l’ayant ratifiée sera élevé, plus elle aura de poids et de retentissement.

Joëlle Rostkowski