Le problème de l’orpaillage illégal.

C’est dans les années 1980 que les barges fluviales, interdites au Brésil, se multiplient en Guyane envahissant fleuves et rivières.

L’utilisation des lances monitor se développe: canon à eau destiné au décapage des argiles minéralisées qui deviennent boue très liquide dans une fosse, dirigée vers une autre fosse connectée à une pompe à gravier qui aspire les boues vers l’unité de traitement.

Ces nouveaux moyens relancent l’activité artisanale et des PME.
Celles-ci ayant besoin de main d’œuvre ont recruté des employés clandestins, essentiellement brésiliens, une main d’œuvre souvent compétente et peu payée.

Rapidement cependant les employés ont voulu avoir leur propre site et se sont équipés progressivement avec des moyens modernes.
La forte immigration clandestine liée à la situation frontalière de la Guyane, l’organisation et la logistique partent souvent des pays voisins.
L’estimation portait sur environ 10 000 orpailleurs clandestins avant le début des opérations de gendarmerie (Opération Anaconda).
En 2004, la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE) estimait que ces activités produisaient au moins l’équivalent de la production déclarée (Libération, 16/10/2004).

Dans le rapport du Collectif Or de mars 2005, le chiffre de 600 à 800 chantiers illégaux d’orpaillage est admis.
Face aux pressions de la gendarmerie les chantiers qui se regroupaient jusqu’alors à proximité des sites légaux, se dispersent aujourd’hui à l’intérieur du pays, vers des sites inaccessibles ou protégés.

La diversité des méthodes allant de l’exploitation manuelle à la mécanisation, la mobilité et l’organisation des exploitants clandestins rendent très difficile leur contrôle, notamment parce que les barges, interdites en Guyane, sont facilement déplaçables sur les berges étrangères des fleuves frontaliers.

Impacts sociaux et environnementaux

Les conséquences de ces méthodes qui visent à obtenir un maximum de profit en un minimum de temps sont particulièrement dévastatrices pour l’environnement : le sol est décapé au lance monitor, l’eau retourne au fleuve sans décantation, les risques d’effondrement et de chutes d’arbres sont grands, sans parler de l’usage du mercure, présent dans le sous sol comme dans les techniques d’exploitation, et d’explosifs, des risques d’accidents.
La déforestation et la destruction des cours d’eau pour accéder au sous-sol à l’aide de canaux de dérivation, les eaux chargées de matières en suspension ont un impact important sur la faune et la flore locale et rendent le sol stérile.
Les déchets des chantiers ne sont pas véritablement gérés et les huiles de vidange des moteurs, les fûts d’essence inutilisables, les emballages divers, carcasses d’engins irrécupérables sont bien souvent laissés sur place.

Les conséquences sanitaires de ces pratiques semblent évidentes.
La mobilité des orpailleurs illégaux favorisent la transmission vectorielle de certaines maladies comme le paludisme, la dengue, la fièvre jaune, notamment parce que l’activité d’orpaillage crée des points d’eau stagnante favorisant le développement des moustiques, que sur certains sites le nombre de personnes peut être très importants, induisant des conditions de vie précaires et un manque de sécurité sanitaire, notamment parce que tout le monde n’est pas vacciné.
L’eau est plus difficile à rendre potable du fait de l’importance des matières en suspension et de la présence importante de mercure au-delà même des zones minières puisqu’il se diffuse à travers le réseau hydrique. Les intoxications au mercure et la contamination alimentaire (poissons) ont des effets à longs termes aujourd’hui connus, notamment des troubles neurologiques qui peuvent être mortels.

Les conditions de travail sur les sites d’orpaillage nécessitent un travail physique continu et dans un milieu tropical pénible.
L’emploi de travailleurs irréguliers permet une exploitation abusive de ce personnel fragile et précaire. Les infrastructures d’hygiène sont souvent inexistantes dans les campements ou villages provisoires. L’isolement des zones d’exploitation illégale favorise la création de zones de non-droit où se multiplient la contrebande, les réseaux de prostitution, de drogues et leur lot de maladies.

L’insécurité constitue donc un corollaire important des activités d’orpaillage illégales de la production à la vente, surtout depuis la crise et que l’or est devenue une valeur refuge.
Le développement de cette véritable économie souterraine touchent de plus en plus les territoires habités par les Amérindiens qui subissent déjà des nuisances sonores, une pression démographique importante sur des territoires qui leur était auparavant réservés à eux seuls.
La rupture de l’enclavement bouleverse l’économie traditionnelle tout en exposant ces populations à des menaces sanitaires importantes.

Les actions en cours

En 2008, le WWF a tiré la sonnette d’alarme suite à un courrier adressé à la Préfecture par les communautés amérindiennes du Haut Maroni, demandant « une intervention urgente des forces de l’ordre contre l’orpaillage clandestin »,

le 9 septembre 2008. le WWF souligne ainsi « les failles du dispositif Harpie permettant le démantèlement des filières d’approvisionnement des sites illégaux, programme qui a pu montrer des évolutions significatives mais a été interrompu après quatre mois de mise en œuvre ».

Après un survol des zones impactées le 21 septembre, le WWF interpellait le gouvernement pour plus de crédibilité « dans la mise en œuvre effective des actions découlant du Grenelle de l’environnement ».

Le 23 décembre 2008, un accord bilatéral de lutte contre l’exploitation aurifère en zones protégées a été signé entre la France et le Brésil. Ce texte prévoit un contrôle renforcé des mines, le durcissement des sanctions contre les activités illégales et une coopération renforcée entre les deux pays. Un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale a été présenté en Conseil des ministres au mois d’octobre 2010.

Christiane Taubira, la députée de Guyane a également demandé à Christian Estrosi, en octobre 2009, l’application en Guyane de la « Loi de garantie », réglementation qui prévoit notamment l’apposition d’un poinçon sur les ouvrages d’or afin d’assurer leur traçabilité.
Actuellement, les comptoirs d’or guyanais ne sont pas obligés d’indiquer l’identité de leur vendeur, ce qui favorise l’orpaillage illégal.
La Fédération des opérateurs miniers de Guyane propose pourtant un guide des bonnes pratiques. Comme souvent, c’est son application concrète qui pose problème.

Parallèlement, la Fédération des Organisations Autochtones de Guyane (FOAG) a exprimé une demande au Rapporteur Spécial pour les Peuples Autochtones, James Anaya en 2010 pour qu’il effectue une visite en Guyane sur la problématique de l’orpaillage illégal.
Un rapport a ainsi été établi par Alexis Tiouka, Michel Aloike et Irène Bellier; « Le problème de l’or et la menace sur la population amériendienne », présenté au CERD au mois de juillet 2010.

 

 

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