Prise de contrôle des territoires mapuche
par des grandes entreprises forestières

 

Le décret-loi 701, promulgué par la dictature militaire de Pinochet et toujours en vigueur, a offert des subsides de
lʼ État aux entreprises privées comme manière dʼencourager lʼindustrie forestière. De grandes étendues de terres et de plantations étatiques passèrent aux mains de puissants groupes économiques privés comme Matte et Angelini, et les progrès accomplis par la réforme agraire en matière de distribution de terres furent désarticulés. Sur les 10 millions dʼ hectares expropriés, 3 millions furent vendus à bas prix et à des conditions très favorables . Les entreprises obtinrent le financement de jusqu’ à 75 % des coûts de plantation de pins et dʼeucalyptus en territoire mapuche pendant 37 ans1


Exploitations forestières en Araucanie (9ème Région)
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Conséquences environementales de la monoculture industrielle d'arbres

En plus du conflit territorial avec les Mapuche, la monoculture industrielle d'arbres a eu des conséquences dramatiques. À maintes reprises, il a été dénoncé que ces plantations ont remplacé la forêt indigène, provoquant la disparition de plantes médicinales et alimentaires, ainsi que d'espèces animales ; elles ont favorisé la sécheresse et diminué les réserves hydriques superficielles et souterraines, car il s'agit d'arbres à forte consommation d'eau ; elles ont pollué des écosystèmes par l'utilisation généralisée de pesticides ; elles ont encerclé des communautés rurales et détruit des chemins à cause de la circulation de machines lourdes ; elles se sont substituées à des champs d'élevage et de culture, portant atteinte à la souveraineté alimentaire ; elles ont violé des sites sacrés ; elles ont contribué à augmenter la pauvreté et la migration.2

Conséquences sur les communautés mapuches

Cependant, après des dizaines d’années d’expérience, les communautés Mapuche connaissent bien les résultats des politiques d’expansion forestière. Premièrement, cette expansion a eu lieu précisément dans leurs territoires ; deuxièmement parce que, par suite de l’application de ces politiques forestières, les communes où se trouvent les plus grandes plantations d’arbres sont les plus pauvres du pays et figurent aux dernières places dans l’Indice de développement humain. Les trois régions du sud où se concentre l’activité forestière sont les plus pauvres du Chili.3

Ainsi, l’afforestation par la plantation d’arbres en régime de monoculture a toujours été et continue d’être un processus envahissant pour la société mapuche, puisque les plantations forestières pèsent sur la disponibilité de terres et modifient les espaces territoriaux et les rapports de la population mapuche avec son territoire. Cette progression de l’industrie forestière finit par coloniser le territoire et oblige les communautés mapuche et les petits propriétaires à abandonner leur mode de vie et leurs coutumes, les forçant à créer des micro entreprises forestières ou à travailler comme salariés pour les grandes entreprises.3

Trois groupes d’entreprises monopolisent le marché forestier au Chili : Forestal Arauco, Compañía Manufacturera de Papeles y Cartones (CMPC) et MASISA. Les plantations forestières de ces grandes entreprises occupent 1 715 910 ha (chiffres de 2007), situés surtout dans les régions de Biobío, Araucanía, Los Ríos et Los Lagos, où les propriétés forestières en territoire mapuche sont trois fois plus étendues que les terres indigènes reconnues par l’État. La plupart des plantations forestières se trouvent donc dans des terres ancestrales mapuche. Les communautés touchées par cette industrie revendiquent des droits de propriété sur ces terres qui leur ont été usurpées aussi bien pendant la période coloniale qu’après le coup d’État de 1973.3

Revendications des communautés mapuches

Néanmoins, les communautés n’ont pas renoncé à réclamer leurs droits sur les espaces territoriaux traditionnels, ce qui inclut la propriété des terres et le contrôle du territoire, afin d’exercer le droit de fixer leurs priorités en matière de développement et de disposer des ressources naturelles nécessaires pour assurer leur existence organisée en tant que peuple.

Face à :
- une loi dont l’objectif est de réduire leurs territoires,
- l’existence de procédures de réclamation qui ont sapé leur foi dans les institutions d’État et
- des mécanismes de résolution des conflits qui se sont avérés inefficaces,
les communautés, qui n’ont jamais disposé de mécanismes institutionnels efficaces pour la sauvegarde de leurs droits, ont recouru à la « prise » de parcelles pour exprimer leurs revendications territoriales et rendre visible leur situation d’exclusion et de privation de droits.

Les cas d’occupation de terres autochtones contrôlées par des entreprises forestières et actuellement en litige sont nombreux.

Ces conflits ont dérivé vers des situations très graves ; l’occupation de terres en litige ayant été classée comme un délit, les villageois et les leaders concernés ont été criminalisés. Cela a permis d’intenter des procès contre des organisations, des communautés, des particuliers et des leaders autochtones, les accusant d’avoir commis des délits communs définis par le Code pénal : incendie, association illicite, menaces et vol de bestiaux. De nombreux cas ont abouti à des peines de prison et à des injures publiques. En outre, on a utilisé des lois d’exception comme la loi antiterrorisme ou la loi de sécurité intérieure de l’État, ce qui a permis à la magistrature d’aggraver les peines assignées aux délits communs et de supprimer les garanties du procès.

En ce qui concerne les ressources forestières du peuple mapuche, la politique de l’État chilien consiste toujours dans l’exclusion et l’imposition, dans un contexte de perte accélérée des forêts et de la biodiversité associée, comme on le constate aujourd’hui dans le territoire mapuche par suite de la plantation d’espèces exotiques et de la prolifération de la monoculture.4

Chili : témoignage d’une cinéaste emprisonnée pour avoir filmé
la lutte du peuple Mapuche contre les entreprises forestières


Création et répression - Témoignage d'Elena Varela par rispm

1 : World Rainforest Movement . Rapport février 2011
2 : World Rainforest Movement . Rapport Janvier 2012
3 : World Rainforest Movement . Rapport Janvier 2013
4 : World Rainforest Movement . Rapport Mars 2014

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