Fragilité du statut légal des territoires autochtones au Sarawak

Au Sarawak, le régime colonial mis en place en 1842 par le britannique James Brooke ne semblait pas avoir pour ambition et d’ailleurs ne disposait pas des moyens suffisants pour mettre en oeuvre une politique de transformation sociale des autochtones et les faire adhérer à l’économie de marché. Il s’en est donc tenu à un développement des activités commerciales permettant de couvrir les frais de fonctionnement de l’administration de l’État. Le régime des rajah Brooke reconnu un domaine coutumier réservé aux autochtones ( les Native Customary Rights ‐ NCR), système fondé sur , d’une part, l’institutionnalisation de l’appartenance ethnique et, d’autre part, une codification des lois traditionnelles et informelles dayak : l’ adat.

L’adat est un corpus de lois traditionnelles informelles et de codes de conduite, qui bien avant l’arrivée des européens, régissait les droits de propriété et la vie en société chez les populations autochtones de Bornéo. Aujourd’hui encore, l’adat, représente en territoire autochtone, un ensemble de lois ethniques généralement bien observées et fonctionnant, donc, en parallèle au système législatif de l’État d’inspiration européenne.

Long house sur le fleuve Rejang, Patrick Kulesza

En 1958, les principes et règles de conduite de l’adat ont été intégré au Land code (Code foncier), document maître des réglementations agraires au Sarawak.

Jusqu’à aujourd’hui, chaque territoire coutumier dayak est doté d’une importante autonomie dans la gestion de ses ressources environnementales.

En parallèle, des populations majoritairement d’origine chinoises, dont l’installation était favorisés par le régime des Brooke, mettaient en place, par le développement de la culture du poivre ou par activités minières , des territoires non – autochtones intégrés d’emblée au reste de l’économie capitaliste moderne.

Ainsi était consacré, par le régime colonial un système dualiste de gestion des territoires qui, s’il veillait au respect des droits des autochtones, allait cependant s’assurer, par le Land code de 1958, de limiter l’étendue des domaines communautaires. Des dispositions légales ont interdit l’extension des frontières des territoires coutumiers et la formation de nouveaux territoires coutumiers. L’agriculture sur abatis ‐ brulis, pratiquée par la majorité des cultivateurs dayaks, a été particulièrement surveillée comme étant, à tort, auteur de dégradation environnementales et sa pratique a été strictement surveillée spatialement par l’État.

D’autres réglementations , Forest Ordinance 1953, Wild Life Protection Ordinance 1990, ont permis à l’État d’asseoir son contrôle sur la gestion des ressources naturelles en institutionnalisant l’exploitation à grande échelle des forêts étatiques.
C’est au début du XXe siècle, par l’introduction de l’hévéa que les agriculteurs dayaks ont commencé à s’investir dans les cultures commerciales de façon significatives.
Cependant, le statut légal ambigue des territoires communautaires autochtones et l’absence de titres fonciers légaux formellement reconnus, ont nuit gravement à leur accès au capital , par le refus de prêts.

Plus récemment, de nombreux exploitants dayaks ont été menacés de dépossession de leurs terres par des planteurs de palmiers à huile qui convoitaient leurs terres.

Il en est résulté de nombreuses plaintes auprès des tribunaux déposes par les dayaks qui ont mobilisés, pour ce faire, leurs maigres ressources. On dénombrait ainsi en 2007, plus de 100 cas litigieux confiés aux cours de l’État. Il y a donc un conflit permanent relatif à la définition et à l’étendu des Native Customary Lands, entre les autochtones qui demandent l’application des NCR et les intérêts privés, souvent appuyés par l’État qui souhaitent restreindre leur périmètre d’application. En théorie, les lois découlant des NCR, protègent les droits territoriaux des communautés autochtones, en pratique l’État a été capable d’aliéner de larges portions de ces territoires pour l’exploitation du bois, des projets de développement agro‐industriels, des aires protégées et des projets hydroélectriques.

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