Monsieur Pierre Frogier
Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie
Député
24 octobre 2007
Cher Monsieur Pierre Frogier, Voici déjà un certain temps que vous promettez à la Nouvelle-Calédonie plus de France, et il semble bien que vous n’ayez pas les moyens de vos promesses. Aussi me permettrez-vous de vous faire quelques suggestions :
Premièrement, pour plus de France des droits de l’homme :
Au titre de président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, faites reconnaître et protéger par l’institution les droits du peuple kanak, peuple autochtone de la Nouvelle-Calédonie. Vous porteriez alors la voix de cette France des droits de l’homme qui a voté par deux fois en faveur de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits autochtones. Elle l’a fait le 29 juin 2006 lors de la session du Conseil des droits de l’homme à Genève, puis elle a réitéré son soutien aux peuples autochtones en votant en faveur de l’adoption de la déclaration par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 13 septembre dernier à New York.
Le droit international, auquel la France souscrit, reconnaît à tous les peuples autochtones le droit à l’autodétermination. Qu’en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. Pour autant, ce droit à l’autodétermination n’entraîne pas ipso facto le droit à l’indépendance, l’article 46 de la Déclaration du 13 septembre affirmant qu’aucune de ses dispositions ne peut être interprétée… ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un État souverain et indépendant. Ce n’est donc pas de son peuple autochtone que la Nouvelle-Calédonie doit craindre une quelconque atteinte à l’intégrité de son territoire. Les autochtones kanak doivent simplement bénéficier sans aucune discrimination de tous les droits de l’homme reconnus en droit international, et ils ont des droits collectifs qui sont indispensables à leur existence, à leur bien-être et à leur développement intégral en tant que peuple.
Deuxièmement pour plus de France dont la mission traditionnelle est de conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire…
Et pour donner une suite logique au premièrement : Utilisez la fonction de Député de la Nation française pour laquelle vous avez été élu, pour que l’Assemblée Nationale adopte la législation nécessaire à faire accueillir le peuple autochtone kanak comme partenaire à part entière dans les structures complexes qui constituent la Nouvelle-Calédonie. En fait, en plus de donner enfin les ressources nécessaires à l’efficacité du Sénat coutumier, il serait temps de permettre que le peuple autochtone forme véritablement l’un des trois ordres de gouvernement en Nouvelle-Calédonie – territorial, provincial et autochtone. Les trois ordres seraient autonomes dans leur sphère de compétence respective et ils partageraient la souveraineté de la Nouvelle-Calédonie dans son ensemble.
Le système démocratique que l’on nous applique déplore des fractures culturelles et des tendances à l'immobilité et à l'instabilité très marquées. Les théoriciens de nouveaux systèmes démocratiques estiment que dans une société démocratique considérée profondément divisée, un partage de pouvoir peut s’opérer entre les dirigeants hors de toute logique majoritaire et en dépit des clivages religieux, linguistiques ou ethniques qui peuvent exister par ailleurs entre les groupes socioculturels dont ces dirigeants assurent la représentation.
Le législateur français peut s’inspirer de l’existant : le cabinet gouvernemental nord-irlandais réunissant nationalistes et unionistes selon un modèle « consociationnel » loin de tout immobilisme ou encore les modèles et pouvoirs des gouvernements autonomes proposés par la Commission Royale sur les peuples autochtones du Canada.
Avec plus de cette France-là, Monsieur Pierre Frogier, vous aiderez à mettre fin à plus de 150 ans d’une mauvaise conduite, d’abord dictée par une volonté farouche de dénigrement des « indigènes », puis ultérieurement faite de politiques de domination et d‘assimilation contre lesquelles le peuple autochtone n’a cessé de lutter pour assurer sa survie. Je vous prie d’agréer, Cher Monsieur Frogier, l’expression de mes salutations distinguées
Sarimin Boengkih
[email protected] Boîte Postale 2321 98846 Nouméa-cedex - Nouvelle-Calédonie
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