PROCESSUS INTERNATIONAUX

L'UNION AFRICAINE

LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES FACE A LA QUESTION DES PEUPLES AUTOCHTONES

Source : Docteur Nyameko Barney Pityana - IWGIA Indigenous Affairs 2/99 Traduction GITPA

Le Dr Nyameko Barney Pityana est, depuis 1995, président de la Commission sud-africaine des droits de l’homme et membre de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples depuis 1997.

Il y a très longtemps que je suis impliqué dans les questions autochtones ou touché par elles. Ayant passé cinq années au Conseil mondial des Églises, à Genève, à la direction d’un programme de lutte contre le racisme, j’étais très concerné par le développement des questions autochtones  ; c’était il y a longtemps mais je me sens toujours préoccupé par elles.

Je ne suis pas venu ici en expert car je ne le suis pas. Je suis venu comme membre de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples pour essayer de trouver des points de convergence entre la Charte africaine et les problèmes dont nous avons discuté au cours de ces journées. À ma connaissance, la question des peuples autochtones n’a pas été débattue à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Il n’est pas difficile de savoir pourquoi.

Je pense, d’abord, qu’il est juste de dire que cette question n’est ni prioritaire ni saillante dans les discussions et les politiques africaines, même au niveau des chefs d’ états de l’OUA. Ensuite, il peut y avoir et, de fait, il y a, comme des communications l’ont montré ici, divergence sur la compréhension de ce que sont les peuples autochtones en Afrique. Si la question autochtones n’a pas été discutée en tant que telle, elle peut l’avoir été d’une autre manière. Je crois que des problèmes idéologiques s’expriment aussi à travers elle. J’y reviendrai tout à l’heure.

Je pense aussi que les états africains en ont assez des mouvements sécessionnistes et des conflits internes. Je ne pense pas que ce qui peut apparaître comme potentionnellement conflictuel dans un état ou un autre, comme facteur de divisions et de luttes dans la société, puisse recevoir beaucoup d’attention au niveau pan-africain.

Ensuite, les peuples autochtones d’Afrique sont sans influence, ils sont marginaux ou marginalisés, faibles, si bien que leurs problèmes ne sont jamais mis à l’ordre du jour des nations, même sur notre continent.

Enfin bien entendu, l’image donnée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples n’est pas celle d’un grand avocat des droits de l’homme sur ce continent. Il n’est donc pas surprenant qu’elle ne soit pas saisie de la question indigène.

Le contexte africain de la discussion des questions autochtones

Il faut nous pencher maintenant sur ce contexte africain dans lequel nous souhaitons que ces questions soient discutées. Tout d’abord je dirai qu’en 1964 – l’OUA a été créée en 1963 – l’assemblée des chefs d’ états et de gouvernements a pris, au Caire, une résolution reconnaissant les frontières coloniales, ce qui signifiait que l’Afrique s’organiserait en maintenant ces frontières. Je ne pense pas que c’était par attachement idéologique pour elles mais parce que c’était plus simple que d’essayer de « séparer des œufs brouillés », et parce que les contreverses sur « quoi appartenait à qui ? » auraient conduit à des conflits interminables. Ainsi, la reconnaissance des frontières coloniales fut un acte pragmatique et nécessaire à l’éveil d’une organisation pan-africaine qui cherchait à unir les Africains.

Le respect de l’intégrité des états est un autre aspect de la loi internationale instaurée en Afrique. Les états africains ont proclamé haut et fort leur respect de l’intégrité territoriale des autres états et c’est pourquoi il y a tant de problèmes quand le Rwanda et l’Ouganda s’engagent dans un conflit incendiaire et occupent des parties de l’ Ethiopie. Ce sont des violations du principe sacré de la loi internationale qui s’appelle respect de l’intégrité territoriale des états.

Il y a aussi un autre principe : celui de la non-ingérence dans les affaires intérieures des états. Au fil des années, celui-ci s’est considérablement affaibli avec l’apparition de régimes respectueux des droits de l’homme. Quand un état ratifie des traités internationaux, il invite des organismes extérieurs à interférer et à veiller sur leur application. Ce principe n’est donc pas absolu. Mais il est encore respecté et on a peu recours à l’ingérence.

Quels ont été les développements remarquables pour nous en Afrique ? Je pense que, depuis 1990, on y a pris davantage conscience de la question des droits de l’homme. Un fort mouvement en faveur de la démocratisation, de la bonne « gouvernance » et du multipartisme s’est dessiné. Il est survenu au moment des premiers enthousiasmes de la fin de la guerre froide mais, dans une large mesure, ce mouvement est plus faible à présent qu’il y a sept ou huit ans, quoique certains de ses principes soient inchangés. Néanmoins, si l’on prend, par exemple, les résolutions de l’assemblée des chefs d’ états et de gouvernements – dans mon cas les États du SADC (Southern African Development Community) – on y constate un plus haut degré de conscience de l’importance des droits de l’homme et de la bonne gouvernance en Afrique.

Le document du Secrétariat général des Nations unies sur les causes de conflit en Afrique est un document de référence fondamental qui affirme l’importance des droits de l’homme en Afrique pour garantir la paix, la prospérité et la sécurité à tous. À sa suite, on a vu des efforts plus ou moins importants de révision de Constitutions, la paix a été faite avec des groupes ou des factions en guerre et on a reconnu la pression internationale en faveur des droits de l’homme. Ainsi, des pays africains sont pleinement engagés dans la révision de leur Constitution afin de refléter les nouvelles réalités des situations internationales.

Mais en outre, il y a eu, et il y a toujours, des menaces de guerre civile. En République démocratique du Congo, en Sierra Leone, en Guinée Bissau, il y a conflit. En général, où qu’ils se produisent, il y a atteinte aux droits de l’homme et aux libertés civiles ; les droits de l’homme sont presque toujours les victimes des guerres civiles.

De façon plus positive, en juin dernier, l’Assemblée des chefs d’États et de gouvernements a adopté la création d’un Tribunal africain pour les Droits de l’Homme et des Peuples. C’est très important, car c’est la première fois en Afrique – au moins sur le plan notionnel – que, comme en Europe et aux Amériques, un tribunal renforcera les décisions et les rendra contraignantes pour les États-nations. Je dis sur le plan notionnel parce que, selon les protocoles même du Tribunal africain, il sera toujours nécessaire que chaque État accepte que les citoyens ordinaires s’adressent directement au Tribunal. S’ils le font, les décisions du Tribunal seront contraignantes pour chaque État-nation et c’est une conséquence très importante et très positive.

Finalement, il y a des grands mouvements pour le renforcement de la cohésion du continent africain. Pas seulement comme un ensemble de mendiants désespérés ou de peuples perpétuellement en guerre les uns contre les autres, mais comme un continent en progression où les investissements sont possibles et où la corruption et le népotisme ne sont plus à l’ordre du jour. Ainsi, il y aura des raisons d’être optimiste si une bonne gouvernance se fait jour, s’il y a un mouvement – je ne dis pas qu’il est déjà très fort – pour lier les droits de l’homme à cette bonne gouvernance et à la démocratie et pour en finir, autant qu’il se peut, avec le népotisme et la corruption.

J’insiste là-dessus parce que l’assemblée des chefs d’États et de gouvernements a accepté de tenir une conférence sur les droits de l’homme à l’échelle du continent et au niveau ministériel de l’OUA. Elle devait se tenir à Luanda en Angola, mais en raison de la guerre entre l’UNITA et le gouvernement angolais, elle a dû être reportée. Projetée ensuite à l’île Maurice, elle a dû encore être reportée. On espère qu’elle se tiendra en mai ou juin [1999]. C’est une grande, très grande initiative africaine. Elle rassemblera, pour la première fois, toute l’Afrique au niveau ministériel avec la participation reconnue des ONG, en vue d’établir la situation des droits de l’homme sur le continent. Ce n’était jamais arrivé auparavant.

Je voudrais aussi parler des instruments africains pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Nous venons de célébrer les cinquante ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le préambule de la Déclaration déclare que l’indifférence et le mépris pour les droits de l’homme ont provoqué des actes de barbarie qui ont outragé la conscience de l’humanité ; la Déclaration marque l’avènement d’un monde dans lequel les êtres humains jouiront de la liberté de parole et de croyance et seront délivrés de la peur. Ce fut proclamé comme étant la plus haute aspiration des gens ordinaires. C’est important parce qu’il est dit que depuis la Seconde Guerre mondiale nous ne pouvons plus supporter une situation où les violations des droits de l’homme conduisent inévitablement à la plus grande déstabilisation, voire à la rébellion. Par conséquent, la bonne gouvernance est essentielle au maintien du bon ordre et de la démocratie dans nos pays.

La question de l'autodétermination dans le contexte africain

Quels problèmes se posent quand nous considérons l’Afrique dans ce contexte ? Pour une part la question clé que posent les peuples indigènes est celle, très controversée, de l’autodétermination. Le projet de déclaration, par exemple, dit : « Les peuples indigènes ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel. » C’est une section sur l’autodétermination. Mais une autre section sur la souveraineté dit : « Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs caractéristiques politiques, économiques, sociales et culturelles distinctes aussi bien que leur système de droits tout en conservant le droit de participer pleinement, si c’est leur choix, à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’État dans lequel ils résident. » L’autodétermination, la souveraineté sont des questions de première importance qui requièrent le plus grand consensus et de la compréhension s’il doit y avoir une cassure dans l’ensemble du mouvement des peuples autochtones. Je suis certain que c’est l’une des questions soulevées par le projet de déclaration qui est au cœur du débat si l’on veut être sûr que la déclaration sera acceptable ultérieurement par les États.

À l’encontre de cela, nous devons rappeler qu’il existe déjà une déclaration, par exemple sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales, ethniques, religieuses ou linguistiques. Cette déclaration dit qu’elles ont le droit fondamental de vivre leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion, d’utiliser leur propre langue sans entrave ou discrimination. Il me semble que cela signifie que l’autodétermination définit l’autonomie. L’autonomie d’un groupe, d’une nation, d’une population. Pas simplement une indépendance politique qui s’oppose à l’État-nation de résidence, parce que la loi internationale stipule que la souveraineté est inattaquable, que ce n’est pas une question à débattre.

Les droits des minorités ethniques sont importants. Ils doivent être reconnus par la loi, selon la Constitution du pays. Ils doivent être exercés dans le cadre d’une acceptation de l’inviolabilité territoriale de l’État. L’autodétermination est importante, entendue comme autonomie, elle est importante par rapport aux intérêts spécifiques d’un groupe, en général un groupe minoritaire. Je pense donc qu’il faut davantage insister sur ce point parce qu’il soulève, parmi les gouvernements, toute sorte de préoccupations fondamentales et de peurs concernant les questions autochtones.

En général, le droit international n’a guère accepté les mouvements sécessionnistes. Par acceptation, je veux dire acceptation nationale et diplomatique. Nous en avons eu un exemple avec l’URSS et ses changements depuis 1989 qui ont été nombreux et, je crois, dans le bon sens. La Constitution de l’URSS garantissait aux États soviétiques le droit de faire sécession. Mais il y avait aussi le cas des États baltes dont l’annexion n’a jamais été acceptée par le droit international.

On doit garder à l’esprit deux principes majeurs du droit international. La sécession d’États ou de parties d’États est régie par ces deux principes. L’un est qu’une telle décision doit être librement déterminée par le peuple, c’est-à-dire par la population entière à tous les niveaux. La décision de libérer une partie d’un pays doit être prise démocratiquement par toute la population du pays. Cependant, très souvent, la séparation intervient comme le résultat d’un accord suivant un conflit armé après lequel les frontières d’un État sont redessinées. D’une façon générale, c’est selon ces deux principes que la reconnaissance d’États séparés a été acceptée.

Définition des peuples autochtones

Je veux retourner à la question du concept d’autochtone qui a déjà été évoquée. Je ne vais pas tenter d’en donner une définition mais je veux dire pourquoi la question de la définition reste toujours posée.

Nous connaissons tous, et cela a été mentionné ici, les situations particulières de l’Afrique. Traduire un concept utilisé dans les conditions particulières des Amériques ou de l’Asie du Sud et le transplanter en Afrique a créé des difficultés dans certains cas. On peut donc se demander si ce terme est vraiment pertinent, s’il est éclairant. Nous permet-il une meilleure compréhension ou de poser la question de façon plus pertinente que si nous ne l’utilisions pas ? Concerne-t-il ce que l’on pourrait appeler des difficultés conceptuelles ? Qu’a-t-il à voir, par exemple, avec la question du caractère extra-territorial des questions autochtones ?

Il y a des Maasai au Kenya, il y en a en Tanzanie. Les peuples autochtones en général chevauchent les frontières. Il y a des Batwa dans toute l’Afrique centrale. Il y a des San en Afrique du Sud, au Botswana et en Namibie. Donc le caractère extra-territorial des peuples indigènes doit être pris en considération ; je pense que c’est une question centrale. Quelle que soit la vision qu’on ait des problèmes posés ici, et je n’ai rien fait d’autre que de soulever la question, c’est une question qui mérite attention, celle de communautés identifiables et distinctes, qui ont une identité commune, qui partagent un héritage culturel, qui manifestent des modes de vie, des visions du monde, des pratiques coutumières et qui ont fait ensemble un long parcours historique et religieux. Des communautés qui ont généralement souffert de la dépossession, de l’aliénation et de la marginalisation et qui continuent à souffrir de la discrimination, qui sont en général vulnérables et victimes de la domination de groupes plus puissants.

Ces peuples ne sont pas nécessairement moins nombreux que les autres. Les minorités peuvent ne pas être des minorités numériques. Je peux parler de l’Afrique du Sud : pendant longtemps nous étions, nous les Sud-Africains, essentiellement une minorité alors que nous sommes majoritaires, parce que le pouvoir, dans le pays, était exercé par une minorité de gens qui contrôlaient tout. Il faut se départir de cette interprétation quantitatives des questions majorités/minorités. Cela dit, il reste à savoir, par exemple, sur quelle base les Afrikaners d’Afrique du Sud constituent une communauté autochtone au sens où l’entend l’ONU.

La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

Cette Commission joue un rôle important ici parce qu’elle a une responsabilité à l’échelle du continent. Tous les États africains acceptent l’Érythrée, qui est un État nouveau, et le Sahara-Occidental qui n’est pas reconnu partout. Tous les États africains ont ratifié la Charte africaine, ce qui signifie que tous les États africains ont l’obligation de suivre ses principes. La Charte africaine fut adoptée par l’OUA en 1981 et entra en application en 1986 ; elle a donc plus de dix ans d’existence maintenant. La Charte est distinctement africaine dans sa compréhension des droits de l’homme. Je le pense parce qu’elle reconnaît certaines des questions clés que les Africains soulèvent à propos des droits de l’homme. Ce n’est pas seulement une question de pertinence ou de particularités mais de relations entre les droits et les responsabilités.

La Charte reconnaît, par exemple, le droit de groupes qui ne sont pas internationalement reconnus. Je pense qu’on sera d’accord pour penser que c’est un trait distinctif de la Charte. Son article 62 demande aux États de faire un rapport tous les deux ans sur ce qu’ils ont fait pour observer les principes de la Charte ; c’est un instrument très utile, car pour faire leur rapport les États doivent être capables de savoir comment leur pays s’est mis en conformité avec les principes de la Charte.

Jusqu’à récemment, c’était un mécanisme peu respecté par les États. Très peu d’entre eux ont fait leur rapport et la Commission africaine a pris la décision de faire établir des rapports sur les États qui n’en avaient pas fourni, ce qui embarrasse réellement ceux-ci et leur fait honte. Pour ce faire la Commission compte sur les Organisations Non Gouvernementales et les chercheurs spécialistes des droits de l’homme dans les États concernés. C’est une ouverture qui, pour les communautés autochtones en Afrique, peut faire connaître la façon dont les États se conforment à la Charte en ce qui concerne leurs minorités ethniques et autres.

Une autre ouverture se fait au moyen de la communication des plaintes à la Commission pour lui signaler une violation ou un manque de respect des droits inscrits dans la Charte. La Commission essaye vraiment d’enquêter et d’établir les faits d’une façon responsable par rapport aux plaintes reçues. À ma connaissance, nous n’avons reçu aucune plainte concernant le traitement des peuples autochtones. Je vous le dis : j’entends beaucoup parler de génocide ou de faits de ce genre, mais il n’y a eu aucune plainte contre un État adressée à la Commission africaine, je le saurais. Cela signifie que les questions concernant n’importe quelle communauté particulière en Afrique ne seront pas posées si les peuples autochtones ou ceux qui travaillent activement avec eux n’utilisent pas les moyens qui existent pour se faire entendre. Si vous n’êtes pas entendus par votre État, il est certainement possible de l’être dans tout le continent africain à travers la Commission pan-africaine. Très souvent les États tiennent sérieusement compte des plaintes adressées à la Commission.

Je pense que les États qui viennent de plus en plus nombreux aux sessions de la Commission africaine pour se défendre des accusations portées contre eux prennent très au sérieux ses règlements et ses décisions parce qu’ils sont soucieux de leur image et de leurs relations extérieures en général. Je pense qu’il est très important d’adresser des plaintes à la Commission africaine et que c’est un moyen qui devrait être couramment utilisé.

En outre, chaque pays africain a un commissaire chargé d’y promouvoir les droits de l’homme. Ainsi, il est possible que les ONG qui ont un statut d’observateur à la Commission y aient recours. Ces ONG reçoivent chaque année les rapports et les communiqués de la Commission, elles savent quel est le commissaire responsable de tel pays. Il n’y a rien de plus efficace que d’attirer son attention et de le mettre au travail sur ce qui, dans votre pays, viole la Charte ; il est donc très important de connaître le commissaire de votre pays.

Par exemple, un juge, Robert Kisanga, a été membre de la Commission basée ici, en Tanzanie, pendant de très nombreuses années. Il est juge à la Cour d’appel de Tanzanie et est responsable du Kenya. Pendant toutes ces années, il n’a jamais porté les questions autochtones à l’attention de la Commission. Pourquoi ? Sans doute parce que les peuples autochtones et leurs ONG n’ont jamais attiré son attention, ou parce que lui-même ne s’est pas senti responsable des ONG et des autochtones des pays dont il avait la charge. Il est donc important que le commissaire responsable d’un pays soit mis au courant de ces questions et qu’on lui donne l’occasion de faire des rapports et de rendre compte de ce qu’il a entrepris à leur sujet.

Ceci me conduit au rôle des ONG. Elles sont une partie très importantes de l’activité promotionnelle de la Commission africaine. Certaines y ont un statut d’observateur qui leur permet d’assister aux sessions, de recevoir les rapports sur le travail de la Commission, de lui soumettre des questions et de lui transmettre des plaintes qu’on leur fait parvenir. Ce peut être un rôle très important si les ONG en font bon usage. Pour obtenir le statut d’observateur il faut soumettre à la Commission les statuts de l’organisation et un rapport régulier sur ses activités, particulièrement celles qui promeuvent la Charte africaine. Si vous êtes une ONG observatrice à la Commission africaine vous pouvez responsabiliser le commissaire de votre pays et attirer son attention sur vos intérêts particuliers.

Plus récemment, dans un effort de la Commission pour porter une attention particulière à des questions critiques, il a été désigné des Rapporteurs Spéciaux. Pendant les deux ans où j’ai été à la Commission, il y a eu un rapporteur sur les prisons et nous avons reçu des rapports très importants sur les conditions des prisons au Kenya, au Mozambique, en Mauritanie et ailleurs. Après les événements du Rwanda, nous avons désigné un rapporteur spécial sur les questions d’exécutions et de génocide en Afrique. Il y en a un autre sur les femmes et les droits des femmes. La désignation de rapporteurs sur des problèmes particuliers est un mécanisme qui permet que des questions critiques soient portées à l’attention de la Commission à travers la responsabilité d’un commissaire.

Chaque année, en juin, la Commission africaine fait un rapport à l’Assemblée des chefs d’États et de gouvernements qui se réunit dans une capitale africaine. Ce rapport porte à la connaissance des chefs d’États et de gouvernements les activités de la Commission de l’année précédente, y compris les décisions prises à propos des communications qui lui ont été adressées. Il est très important que l’Assemblée prenne ces rapports au sérieux et je pense qu’elle le fait. Mais quand le Tribunal africain existera, les affaires que la Commission lui soumettra auront une solution judiciaire. C’est un grand espoir pour l’Afrique.