![]() |
PROCESSUS INTERNATIONAUX L'UNION EUROPEENNE CONFERENCE "LA PAROLE AUX AUTOCHTONES" Source : Joaquim Miranda, Bruxelles 18/06/2002 |
M. le Président, Mesdames, Messieurs, Mes chers amis
Je suis très honoré d'avoir été invité à m'adresser à cette conférence importante sur le développement et la mise en oeuvre de la politique de l'Union Européenne relative aux peuples autochtones.
Mon seul regret est qu'il n'y ait pas plus de politique européenne à cet égard, ou plutôt, qu'il n'y ait pas de politique Européenne plus développée.
Le Parlement européen s'est penché sur cette question depuis une dizaine d'années.
Dans la législature 1989 à 1994, la Commission du Développement a même fait un rapport d'initiative sur la situation des peuples autochtones.
Depuis, malheureusement, nous aurions dû être plus actifs dans ce domaine, car les peuples autochtones représentent une partie non-négligeable de la population mondiale.
Rappelons-nous que, selon le Haut Commissariat des Nations Unions aux droits de l'homme, il y a quelque 300 millions de personnes, disséminées de l'Arctique au Pacifique Sud, qui peuvent être qualifiées de "peuples autochtones".
En général, ce sont les descendants de ceux qui habitaient un pays ou une région géographique à l'époque où des groupes de populations d'origines ethniques
différentes y sont arrivés et sont devenus par la suite prédominants, par la conquête, l'occupation, la colonisation ou d'autres moyens.
Au cours de l'histoire, presque chaque fois que les peuples dominants ont étendu leurs territoires ou que les colons venus d'ailleurs ont acquis des nouvelles terres par la force, les cultures et les moyens de subsistance, voire l'existence même, des peuples autochtones ont été menacés.
Il est remarquable comme la plupart des peuples autochtones, malgré leurs difficultés, ont pu conserver leurs propres caractéristiques culturelles, sociales, économiques et même, parfois, politiques qui les distinguent de celles des autres groupes qui composent les populations nationales.
C'est surtout leur attachement aux valeurs traditionnelles qui marque les peuples autochtones.
En dépit de la diversité culturelle et ethnique de ces populations, il y a très souvent des similitudes frappantes entre les problèmes, les revendications et les intérêts des divers peuples autochtones, de l'Arctique jusqu'à l'Australie, en passant par les forêts tropicales.
Malheureusement, la discrimination compte parmi ces similitudes.
Très souvent les peuples autochtones n'ont pas pu bénéficier des avantages en matière d'éducation et de formation disponibles aux autres citoyens. Ainsi leurs revendications n'étaient souvent pas entendues. La situation est, je l'espère, en train d'évoluer positivement. La première conférence internationale des organisations non-gouvernementales sur les questions concernant les populations autochtones s'est tenue à Genève en 1977. Cette conférence était suivie par une deuxième conférence, également à Genève, en 1981. Ces réunions, ainsi qu'uneétude spéciale des Nations Unies, ont contribué à la création en 1982 d'un groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones.
En 1985, l'Assemblée Générale des Nations Unies a créé un fonds de contribution volontaire pour les populations autochtones pour assister aux représentants des communautés autochtones de participer aux sessions des groupes de travail. En décembre 1993 l'Assemblée Générale des Nations Unies a proclamé la Décennie Internationale des populations autochtones, 1995 - 2004. Le but de cette Décennie est de renforcer la coopération internationale afin de s'attaquer aux problèmes qui se posent aux communautés autochtones dans des domaines tels que les droits de l'homme, le développement, l'environnement, l'éducation et la santé.
Au sein des Nations Unies et de l'Organisation Internationale du Travail, il est maintenant reconnu que la définition et la protection des droits des peuples autochtones constituent une partie essentielle des droits de l'homme. Ceci est un pas en avant considérable.
Cependant, le fait de reconnaître un problème n'implique pas qu'il soit résolu.
Nous sommes maintenant conscients des difficultés auxquelles doivent faire face les peuples autochtones, mais ces difficultés et ces discriminations perdurent.
Petit à petit, des institutions internationales, y compris l'Union Européenne, se rendent compte qu'il faut tenir compte des spécificités de ces peuples dans toutes les actions de développement. La Banque Mondiale est en train d'élaborer une nouvelle politique spéciale sur les peuples autochtones. Ce processus de révision a démarré en 1998 et doit aboutir à une nouvelle approche aux peuples autochtones.
La Commission européenne vient de vous expliquer sa politique en matière de ces peuples, et sur la mise en oeuvre de la résolution sur les peuples indigènes. Je ne répéterai pas ses propos, ni de la Présidence de l'Union Européenne. Par contre, je
voudrais vous parler un peu des domaines dans lesquels l'action est nécessaire.
D'abord, il est très clair que les peuples autochtones ont le droit de jouir pleinement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnus par les accords internationaux, tels que la Charte des Nations Unies, la Déclaration Universelle des droits de l'homme et la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
Il est important d'éliminer toute forme de discrimination basée sur l'origine ou l'identité des peuples autochtones. Ils ont le droit de maintenir leur spécificité culturelle, sociale, économique et même politique et juridique, en conformité avec les constitutions nationales, tout en conservant la possibilité de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de leur pays.
Il va de soi que les peuples autochtones ont le droit à un respect spécial et à la garantie de leur sécurité en périodes de conflits armés.
Très souvent, ils sont impliqués, contre leur gré, dans les conflits internes ou internationaux, étant parfois enrôlés de force dans les groupes combattants. En même temps, ils ne doivent pas être contraints à quitter leurs terres, ou de se réinstaller dans les centres spéciaux, à des fins militaires.
Pour beaucoup de peuples autochtones, le lien avec la terre est sacré. Pour eux, la terre des leurs ancêtres a une signification qui est difficile à imaginer pour les gens d'un autre civilisation.
Cet attachement à leurs terres ancestrales engendrent souvent des conflits avec des forces économiques, notamment dans le domaine de l'exploitation des ressources minérales ou forestières.
Malheureusement, quand il y a conflit entre des intérêts économiques et des traditions d'un peuple économiquement et politiquement démuni, c'est rarement le dernier qui gagne.
Les opérations d'exploitation forestière et des plantations sur une grande échelle violent souvent les droits fonciers des peuples autochtones. Leur opposition aux projets de développement forestiers entraîne fréquemment comme réaction d'autres violations des droits de l'homme. La menace pesant sur les moyens d'existence basés sur l'utilisation des forêts, l'appauvrissement, l'érosion de l'identité culturelle, l'expropriation et l'accroissement de la mortalité sont des répercussions bien connues de l'exploitation forestière.
Les femmes autochtones en particulier ont été les victimes de violations de leurs droits et ont été obligées de vivre dans des conditions pénibles.
Les meilleures pratiques forestières récentes reconnaissent les droits des peuples autochtones, donnent la priorité au bien-être des communautés et à leur contrôle des forêts et du processus de prise de décision dans ce domaine. Cependant, dans les forêts tropicales, les exemples de meilleures pratiques sont plus rares et sont contrecarrés par le manque de bonne gouvernance, l'absence d'ordre public et des règlements forestiers inadéquats.
Les droits juridiques et coutumiers des peuples autochtones à posséder, à utiliser et à gérer leurs terres, leurs territoires et leurs ressources doivent être reconnus et respectés.
En ce qui concerne les forêts, les peuples autochtones doivent contrôler la gestion des ressources forestières situées sur leurs terres, à moins qu'ils ne la délèguent à d'autres organismes, de leur plein gré et avec leur consentement éclairé.
Les sites revêtant une signification culturelle, écologique, économique or religieuse particulière pour les peuples autochtones doivent être clairement identifiés, reconnus et protégés par les autorités.
Pour conclure, je reconnais l'importance d'une politique européenne de développement qui tient pleinement compte des besoins très spécifiques des peuples autochtones.
Des progrès ont été faits au courant des dernières vingt années, mais énormément reste à faire.
Je soutiens les actions annoncées par la Commission européenne, tout en encourageant d'être pro-actif à cet égard.
En m'adressant aux représentants du Conseil, je les prie d'agir dans les instances internationales, afin que la discrimination à l'égard des peuples indigènes soit combattue par tous les acteurs, y compris les gouvernements des pays dans lesquels se situent ces communautés d'autochtones.
Je salue, en particulier, l'initiative des organisateurs de cette conférence, et notamment, l'Alliance internationale des Peuples Autochtones et Tribaux des Forêts Tropicales et le "Rainforest Foundation", d'avoir rassemblé ici à Bruxelles tant de représentants et d'experts en matière de peuples indigènes.
Et, en ce que me concerne, je suis convaincu que je partirai de cette conférence avec une compréhension accrue de la situation, des difficultés, et des solutions à appliquer.
Il est de notre devoir de faire tout notre possible pour assurer la survie, sans aucune discrimination négative, des peuples autochtones partout dans le monde.
Je vous en remercie.