3 évènements qui dégradent l'image de l'Australie
candidate à un siège au
Conseil de sécurité des Nations unies
Prison et torture pour les Aborigènes
Le 30 juillet 2016 , des centaines de manifestations se sont déroulées dans les rues de Melbourne, Sydney, Brisbane et d'autres villes australiennes pour dénoncer les actes de torture et les traitements dégradants perpétrés contre des aborigènes dans le centre de détention pour délinquants juvéniles Don Dale à Darwin dans le Territoire du Nord, révélés au cours d'une émission de la télévision publique, ABC.
Article de Martin Préaud dans le Huffington Post
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La colère des Aborigènes d’Australie, moqués par un dessin
Un père enlaçant sa fille en tutu. Un autre portant fièrement son petit garçon. Un jeune diplômé entouré de deux hommes, certainement son père et son grand-père. Ils ont un point commun : tous sont aborigènes d’Australie. Ces photos de famille, et des centaines d’autres, ont été diffusées sur Twitter, depuis samedi 6 août, avec le mot-clé #IndigenousDads, en réponse à une caricature parue dans The Australian. Ce quotidien conservateur a choisi le 4 août, journée dédiée aux enfants aborigènes en Australie, pour publier un dessin qui n’en finit pas de faire polémique. On y voit un policier ramenant un adolescent à son père. Mais ce père aborigène, bière à la main, certainement saoul, interroge, à propos du jeune : « C’est quoi son nom ? »
Article de Carolie Taix, Le Monde, Sydney
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En dépit des protestations, le gouvernement d'Australie Occidentale ne renonce pas à fermer les communautés autochtones isolées.
Le 14 juillet, le gouvernement d'Australie occidentale a publié un rapport Intitulée "Resilient Families, Strong Communities" (Familles résilientes, Communautés solides), qui est la feuille de route pour les communautés aborigènes en région et celles isolées par lequel se profile l'abandon par l'Etat de la quasi-totalité des communautés isolées.
Article de Martin Préaud dans le Huffington Post
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en même temps une bonne nouvelle
La première femme aborigène fait son entrée au parlement australien
Une ancienne institutrice est devenue la première femme aborigène à entrer à la chambre basse du parlement australien, en obtenant un siège pour l’opposition travailliste lors des élections de samedi 2 juillet.
Linda Burney, 59 ans, est une pionnière : elle a déjà été la première femme aborigène à entrer au parlement de Nouvelle-Galles du Sud en 2003. Elle se joint au premier député aborigène, Ken Wyatt, du Parti libéral (conservateur), qui a été élu en 2010, et suit les traces de l’ancienne sénatrice et athlète aborigène Nova Peris, première femme indigène à la chambre haute.
« Je pense que c’est un moment très important pour l’Australie », a déclaré Linda Berney à l’Australian Broadcasting Corporation dimanche, après son élection.
Article Le Monde Asie-Pacifique
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Interview de Martin Préaud (membre du réseau des experts du GITPA pour l'Australie)
sur l'interprétation de ces évènements
Q1 / Deux années après sa nomination, le premier ministre libéral, Tony Abbot a été remplacé par Malcom Turnbull, également libéral. Tony Abbot se présentait comme « l’ami des aborigènes ». Quel est le bilan de son passage au pouvoir ?
Il est pour le moins désastreux pour quelqu’un qui se présentait en ami. Non seulement il a poursuivi les grandes politiques publiques décidées par ses prédécesseurs, comme l’Intervention dans les communautés du Territoire du Nord, mais il a aussi engagé un travail de sape des conditions de vie des Aborigènes, pourtant déjà peu reluisantes et n’a rien fait pour s’attaquer aux causes profondes des multiples discriminations vécues par les peuples autochtones en Australie. D’abord en rattachant le portfolio des affaires aborigènes à son cabinet et en nommant un petit nombre de conseillers, certains aborigènes, pour décider des politiques fédérales et les évaluer plutôt que de s’appuyer sur les structures représentatives construites par les peuples autochtones eux-mêmes ; ensuite en organisant des coupes sombres dans le financement des organisations et communautés aborigènes, dans des domaines particulièrement sensibles comme l’accès à l’aide juridique, l’éducation, la santé ou encore le logement (liste non exhaustive) ; enfin, en finalisant les négociations avec les Etats fédérés sur le financement des services publics aux communautés aborigènes avec pour résultat des politiques criminelles, notamment en Australie Occidentale, qui consistent à priver ces communautés de services essentiels (eau et électricité notamment) afin d’en faire déguerpir les habitants (ou de forcer leur main dans leurs négociations avec des entreprises minières). Il s’agit là d’une simple continuité dans les politiques néolibérales menées contre les peuples autochtones en Australie mais menées dans un style qui serait clownesque si les résultats n’en étaient pas tragiques pour les personnes et communautés concernées. Malcolm Turnbull adopte un style plus sobre mais il poursuit dans la même direction. Le référendum constitutionnel sur la reconnaissance des Aborigènes, annoncé depuis 2012, n’a toujours pas eu lieu et ressemble chaque jour un peu plus à une farce symbolique par rapport aux autres urgences (morts en garde à vue, torture, discrimination, paupérisation,…). Les organisations aborigènes, quant à elles, exigent de nouveau un traité, c’est-à-dire un règlement politique.
Q2 / Deux entité au nord du continent : le Territoire du nord et l’Australie occidentale se distinguent des autres entités par la rudesse et le racisme de leurs décisions vis à vis des aborigènes. Comment expliquer cette différence ?
Tout d’abord, il faut relativiser cette différence car rudesse et racisme décrivent parfaitement l’attitude générale des pouvoirs publics australiens mais aussi des médias vis-à-vis des peuples autochtones. Ensuite, le Territoire du Nord est un cas particulier dans la mesure où le gouvernement fédéral peut y intervenir directement ; en cela il constitue une sorte de laboratoire politique et l’on voit effectivement les mesures paternalistes drastiques imposées dans les communautés du Territoire du Nord reprises par d’autres Etat, Australie Occidentale et Queensland notamment. Si le Territoire du Nord et l’Australie Occidentale se distinguent, c’est je pense en raison de la forte proportion d’Aborigènes qui y vivent au sein de communautés dites « isolées » (remote) comparativement au reste du pays. Ces communautés font l’objet, depuis les gouvernements du conservateur John Howard (1996-2007), d’attaques systématiques au motif qu’elles seraient la démonstration de l’échec de l’autodétermination. En son temps, Tony Abbott avait d’ailleurs appelé à leur propos à un retour à une forme de « paternalisme social ». Il est certain que ces communautés font face à de très graves difficultés sociales et économiques mais il est beaucoup plus difficile d’avancer que la raison en serait l’échec de la politique d’autodétermination dans la mesure où cette dernière n’en a jamais eu que le nom : cette autodétermination était en effet déterminée par l’administration australienne beaucoup plus que par les communautés concernées. Mais ces communautés permettent de faire de belles images tragiques et de nourrir un imaginaire qui assigne aux autochtones la place de ceux qui ne sauraient pas trouver leur place dans la société moderne sans y être amenés, de gré ou de force. L’objectif des gouvernements australiens semble bien être de se débarrasser de ces communautés pour faciliter l’exploitation des ressources naturelles du nord et du centre de l’Australie sans devoir s’encombrer de négociations. Le Territoire du Nord comme l’Australie Occidentale misent leur développement économique sur cette exploitation, qui n’est jamais que la continuation d’une forme d’accumulation primitive caractéristique des invasions coloniales et qui a pour corollaire l’effacement sinon l’élimination des autochtones. Tous les moyens sont bons pour y parvenir, y compris le piétinement enjoué des conventions internationales dont l’Australie est signataire.
Q3/ Comment sont réparties les responsabilités de la gouvernance aborigène entre le niveau fédéral et le niveau des états fédérés ?
Tony Abbott a fait le choix de rattacher les affaires autochtones au cabinet du premier ministre fédéral. Depuis l’abolition de la Commission des Aborigènes et des Insulaires du Détroit de Torres (ATSIC) en 2005, les peuples autochtones n’ont plus aucune place dans la gouvernance des affaires et des politiques qui les concernent au niveau fédéral. En lieu et place, des conseillers, dont certains sont Aborigènes, sont nommés directement par le pouvoir, ce qui n’est certes pas un gage d’indépendance. Au niveau des Etats fédérés, on trouve généralement un ministère des affaires autochtones en charge de ces questions ainsi qu’une variété de comités théodule, dont les membres sont généralement nommés par le pouvoir. Une variable importante est celle du statut des communautés autochtones qui dans certains Etats ont le statut de gouvernement local (on dirait collectivité en France) tandis que d’autre ont une autonomie extrêmement réduite. Depuis 2009, les Etats et le gouvernement fédéral, réunis au sein de la Coalition des Gouvernements Australiens (COAG), mènent conjointement la politique dite « Closing the Gap » qui poursuit des objectifs chiffrés en termes d’éducation, de santé, d’emploi et de logement mais dont les résultats demeurent très limités faute de travailler effectivement avec les organisations aborigènes. En dépit de cette coordination affichée, sur le terrain, pour les organisations et communautés autochtones, la gestion des affaires aborigènes est un maquis difficilement pénétrable, fait d’une multiplicité d’agences publiques et parapubliques, de ministères et d’acteurs privés ayant reçu une délégation. Les coûts d’administration sont énormes et engloutissent une bonne part de l’argent destiné aux communautés et programmes ; les organisations autochtones doivent quant à elles se battre chaque année pour maintenir leurs financements. L’organisation fédérale est depuis longtemps identifiée comme un mécanisme permettant l’évaporation des responsabilités, chaque niveau rejetant la faute sur un autre, une analyse qui n’a rien perdu de sa pertinence.

Lien vers le chapitre Australie du site GITPA
gitpa.org