Août 2017
Alors que la crise politique se poursuit au Brésil, la grande anthropologue brésilienne
dresse un état des lieux pour les indiens du Brésil
Les indiens cernés par la crise politique au Brésil
Manuela Carneiro da Cunha
Anthropologue, professeur émérite de l’Université de Chicago et de l’Université de São Paulo,
membre du réseau des experts du GITPA pour le Brésil

Le Brésil se targue d’une Constitution Citoyenne qui met à l’honneur les droits humains et la protection de l’environnement. À l’issue de deux décennies de dictature militaire, cette Constitution proclamée en 1988 affirmait l’espoir d’un régime de justice et de démocratie. En ces quelques trente ans, elle a subi toutes sortes d’entorses : les lois sont enfreintes, comme de tout temps; mais, plus grave encore, des amendements constitutionnels et des décrets cherchent à la défigurer.
Des conflits endémiques.
Un grand nombre de conflits porte sur les terres et leurs formes d'exploitation. Les terres hors du marché foncier sont particulièrement visées. Ainsi les territoires attribués aux Amérindiens, aux descendants de noirs marrons, les quilombolas ou encore les terres de la Réforme agraire, sont dans la ligne de mire de ces nouvelles mesures.
En Amazonie, les grileiros, qui s’arrogent illégalement des terres grâce à des documents forgés de toutes pièces, les exploitants forestiers illégaux, pilleurs de bois noble, qui sévissent dans la région avec des méthodes de plus en plus sophistiquées, les orpailleurs et les intérêts miniers se glissent un peu partout dans les terres protégées. L’agrobusiness quant à lui réclame de nouveaux espaces pour ses activités. Déjà il occupe la majeure partie de cet autre écosystème précieux qu’est le cerrado et il empiète fortement sur l’Amazonie orientale, surtout dans l’État du Pará.
Les conflits ont aussi des sources plus lointaines. Ainsi la région centre-ouest du pays, qui comprend le Mato Grosso du Sud et l’ouest du Paraná, a été « colonisée » sous la poussée de l’État, dans les années 1940. Les peuples guarani ont été violemment délogés et parqués dans de petites réserves. Depuis plusieurs décennies, ils cherchent à récupérer leurs terres traditionnelles. Les propriétaires terriens, appuyés par des milices privées, les combattent. Les assassinats se succèdent. On peut suivre cette tragédie dans l’admirable film récent de Vincent Carelli, « Martyre ». Les conflits sont endémiques et pas seulement le fait des envahisseurs de terres publiques. Lors des débats à propos de la Constitution de 1988, l’industrie minière et ceux qui étaient intéressés pour des raisons diverses dans les travaux d’infrastructure s'opposaient déjà aux droits des Amérindiens. On peut depuis peu chiffrer les très profitables pots de vins impliqués dans des barrages et donc les liens entre les partis politiques et les promoteurs de ce qu’on appelle encore au Brésil le « développement ».
Empiétant à chaque fois directement sur des territoires amérindiens, la politique des barrages au Brésil date des années 1970 et de la période de dictature militaire. Elle est particulièrement importante pour l’industrie minière et pour l’agrobusiness. Reprise vers la fin du second mandat du président Lula, avec le barrage de Belo Monte sur le Xingu et deux barrages sur le fleuve Madeira, elle a à nouveau déplacé plusieurs sociétés indiennes. L’actuelle crise économique a mis en veilleuse un projet de cinq grands barrages sur le bassin du Tapajós, qui affecteraient directement les indiens Munduruku.
Des projets d’amendements constitutionnels (PEC de ses initiales en portugais) sommeillent depuis des années et même des décennies, en attendant le moment propice pour être convoqués à l’ordre du jour de la Chambre des députés. Le PEC 215, peut-être la principale menace qui pèse à présent sur les territoires indiens, date de 2000. Alors que la compétence en matière de démarcations a toujours été le fait du pouvoir exécutif, ce PEC prétendait l’attribuer au pouvoir législatif qui compte sur une forte représentation du lobby de l'agrobusiness farouchement opposé aux intérêts des Amérindiens. Il proposait même de soumettre au Congrès la ratification des Terres amérindiennes déjà reconnues et homologuées. Rejeté lors de son premier passage par la Commission Constitutionnelle, il a été ressuscité quinze ans plus tard par le président de la Chambre des députés, aujourd’hui en prison, et soumis à nouveau à la Commission Constitutionnelle qui, cette fois, l’a approuvé. Ce projet d'amendement peut donc, le moment venu, revenir sur scène et être voté. Or c’est justement, selon certains, le moment ou jamais.
À présent, une violence accrue
Pour comprendre l’attaque d’une violence nouvelle qui afflige le Brésil, il faut se situer dans un contexte de crise politique sans précédent. Celle-ci fait des ravages dans beaucoup de domaines, et les populations traditionnelles et l’environnement sont particulièrement touchés.
La Chambre des députés et le Sénat sont, depuis quelques législatures déjà mais de façon croissante, dominés par un nombre conséquent de parlementaires qui, quel que soit le parti politique qui les abrite, votent en bloc sur certaines propositions législatives. Ce sont ceux qui militent dans ce que l’on appelle au Brésil le « front ruraliste ». Ce front fait valoir les intérêts des grands propriétaires fonciers, impliqués surtout dans l’élevage bovin extensif et dans l’agriculture à grande échelle du soja, du maïs, de la canne à sucre. Réunis dans la Confédération de l’Agriculture et de l’Élevage, ils sont devenus des acteurs économiques centraux pour l’entrée de devises en une période de récession et de chômage massif qui dépasse pour la première fois les 13%. Leur pouvoir économique s’est traduit en pouvoir politique, notamment législatif. Leur plateforme inclut la fin des nouvelles démarcations des terres amérindiennes, l'extinction de la Fondation Nationale de l’Indien (FUNAI), la réduction de la superficie des unités de conservation et l'assouplissement des règles en matière environnementale.
Avec la montée en puissance du front ruraliste au long des dix dernières années, qu'il s'agisse de sa force économique ou de ses effectifs parlementaires , les populations traditionnelles et l’environnement subissent des attaques de plus en plus musclées. Des défaites aussi, comme celle de l'adoption en 2012 du nouveau Code forestier et celle de l’amnistie aux entorses aux règles précédentes en matière environnementale. Si l’on compare l’étendue des terres indiennes homologuées par les six mandats présidentiels entre Fernando Henrique Cardoso (1995-1999, 1999-2003) Lula (2003-2007, 2007- 2011) et Dilma Rousseff (2011-20014, 2015-Mai 2016), on perçoit immédiatement leur rapport inverse à l’ascension du front ruraliste dans les instances législatives. Fernando Henrique a battu les records de démarcations, bénéficiant du soutien financier du gouvernement allemand pour ce faire. Lula, dans son premier mandat, a multiplié les unités de conservation. Il a aussi aidé à trancher un litige vieux de trente ans et les envahisseurs des terres des indiens Macuxi, dans l'Etat de Roraima, ont été expulsés. Mais le gouvernement de Dilma Rousseff n’a guère favorisé ni l’environnement, ni la réforme agraire, ni les droits des indiens et des quilombolas.
La situation n’est donc pas nouvelle. Ce qui a changé la donne est l’impeachment de Dilma Rousseff et la montée au pouvoir de son vice-président, Michel Temer. Au plus bas de sa popularité, et l’objet de dénonciations de corruption, il continue, jusqu’au moment où j’écris, à être maintenu à bout de bras à son poste par des secteurs financiers et industriels. N’ayant pas à se soucier d’une popularité dont il n’a jamais bénéficié, et connu pour son adresse dans les arrangements au sein du Congrès, M. Temer se présente comme étant en mesure de faire approuver des réformes que l’opinion publique rejette, à savoir la réforme des lois du travail et celle des retraites assurées par l’État.
Le front ruraliste déclare disposer actuellement de 228 voix à la Chambre des Députés qui en compte 513. Il a en outre deux puissants alliés : les parlementaires pentecôtistes et ceux qui défendent le droit au port d’arme. À eux trois, ils forment le Front BBB, soit le Front du Bœuf, de la Bible et de la Balle. M. Temer se procure des voix à la Chambre des députés et au Sénat grâce aux postes ministériels distribués aux partis alliés et surtout aux concessions faites au front ruraliste. Il a notamment, suivant en cela d’ailleurs une procédure inaugurée par Dilma Rousseff, émis des Mesures Provisoires, c’est-à-dire des décrets présidentiels que le Congrès devrait approuver, et qui ont fait scandale. Ces décrets portent sur différents sujets, mais tous ont en commun d’annuler des protections et d’assouplir les règles. Un exemple : les banques ne seraient plus tenues de vérifier si les projets qu’elles se proposent de financer ont respecté les normes environnementales.
Un décret en particulier (MP 756) envisageait d’amputer le Parc National et la Forêt Nationale du Jamanxim en Amazonie Orientale. Plus de la moitié de la Forêt Nationale du Jamanxim y passait et une bonne partie du Parc National du même nom, soit quelques six cent mille hectares en tout. Le cas était éloquent : la mosaïque d'unités de conservation qui lie les bassins du Xingu et du Tapajós était ainsi démembrée.
Cette mosaïque a une histoire très particulière. Elle a été créée en 2006 pour rassurer ceux qui protestaient contre une route, la BR 163, qui assurait l'écoulement de la production de soja du Mato Grosso vers le port céréalier de Santarém, sur l’Amazone. On pouvait prévoir que cette route, qu’il s’agissait alors de goudronner, serait, comme toutes les routes amazoniennes, le fer de lance d’une nouvelle ruée sur la forêt. Le gouvernement promit que, cette fois, il y aurait une barrière aux dégâts du projet et établit huit unités de conservation en guise de protection. Il nomma l’initiative « BR163 durable ». Dans la partie de la mosaïque la plus proche de la route, une invasion de grileiros s’installa. Alors que la déforestation en Amazonie diminuait en cette période, cette région la vit fortement augmenter. À présent, les essences forestières nobles sont épuisées, et c’est l’activité minière et le commerce de terres illégalement obtenues qui règne. Au lieu de sévir, les décrets tout simplement se proposaient de légaliser ces propriétés. C’est là, affirme l’écologiste Enrico Bernard, de l’Université Fédérale de Pernambuco, une tendance inédite: depuis 2008, les atteintes aux Unités de Conservation servaient à accommoder les barrages prévus dans le Programme d’Accéleration de la Croissance, de Lula et de Dilma Rousseff. À présent, il s’agit tout bonnement d’accommoder les envahisseurs. Six anciens ministres de l’Environnement et quelques 70 organisations non gouvernementales ont fortement protesté. M. Temer a finalement donné son veto à ce décret MP756 quíl avait lui-même lancé, citant l’appel que lui a adressé la célèbre mannequin, Gisèle Bündchen. Mais le gouvernement laisse entrevoir la possibilité de relancer le même projet sous une autre forme…
L’enquête parlementaire
Le 30 mai 2017, une Commission d’Enquête Parlementaire a approuvé un rapport de quelques 3.400 pages dans le but d’affaiblir et si possible d’éliminer la Fondation Nationale de l’Indien (FUNAI). Elle s’en prend aussi à l’INCRA (Institut National de la Colonisation et de la Réforme Agraire), l’institution qui reconnaît les terres des descendants de noirs marrons ainsi que les terrains envahis par les mouvements des « sans terre » dans des propriétés considérées non-productives. Le rapporteur, qui n’est autre que le président du Front ruraliste avait même, dans une version antérieure, proposé la dissolution de la FUNAI et la création d’une autre institution. L’opposition, qui avait élaboré un rapport parallèle, n’a pas eu un seul amendement approuvé, la commission parlementaire étant majoritairement « ruraliste ». Une première version du rapport demandait au Ministère Public la mise en examen de 100 personnes, dont des procureurs du Ministère Public lui-même, et de deux personnes déjà décédées. Ayant sagement exclu les morts et les procureurs, ce nombre a finalement été réduit à 67 personnes, anthropologues, missionnaires, indiens, fonctionnaires de la FUNAI et de l’INCRA, une organisation non gouvernementale et même l’ancien ministre de la Justice de Dilma Rousseff, pourtant bien timoré. L’ancienne présidente, qui s’était toujours gardée de favoriser les demandes des Amérindiens, des quilombolas et de la réforme agraire, s’était empressée, à la veille de sa destitution, en mai 2016, de changer de position. Le rapport demande l’annulation de ces dernières mesures.
Les accusations visent en particulier les procédures de démarcation des territoires indiens : les anthropologues chargés de fournir les éléments nécessaires ne seraient pas objectifs mais agiraient plutôt en militants de la cause indienne. Leurs rapports seraient biaisés.
La FUNAI ainsi que l’INCRA sont déjà privés de moyens et leur compétences érodées. La FUNAI ne dispose plus de budget pour faire face à des moments délicats comme ceux des premiers ou nouveaux contacts avec des sociétés amérindiennes, dites "isolées", alors que celles-ci semblent affluer en Amazonie du sud-ouest. Victoria Tauli-Corpuz, Haut Commissaire à l’ONU pour les droits des Indiens, vient de déclarer que la FUNAI a été affaiblie à un point tel que les Amérindiens ne bénéficient plus d'aucune protection.
Une montée des conflits ruraux et de la déforestation en Amazonie.
C’est bien le sentiment que semblent éprouver leurs ennemis. Les « ruralistes » célèbrent un « nouveau moment » au Brésil. Ils ont les coudées franches.
Ceci se traduit par une montée des conflits ruraux. Selon la Commission Pastorale de la Terre (CPT) de la Confédération Nationale des Évêques du Brésil (CNBB), 1079 conflits concernant la terre ont éclaté en 2016, un nombre record depuis 1985 qui marque le début de ces statistiques. Ce chiffre correspond à une moyenne de trois conflits par jour. Le nombre d’assassinats, qui avait diminué entre 2004 et 2014, a rebondi depuis : 61 personnes ont été assassinées en 2016 et de janvier à mai 2017, on compte déjà 37 assassinats ruraux. En 35 jours, entre le 20 avril 2017 et le 24 mai 2017, trois attaques ont eu lieu, avec pour bilan 22 morts. Le 20 avril, à Colniza, dans le Mato Grosso, 9 paysans ont été torturés et tués, et leur leader a été décapité. La police a été directement impliquée dans le troisième massacre, le 24 mai, qui a causé dix morts dont une femme, dans le sud de l’état du Pará. Ce dernier a eu lieu le lendemain d’une manifestation à Brasília qui dénonçait la violence croissante qui atteint aussi bien les paysans que les activistes, des juges ou des prêtres.
Les Amérindiens, bien entendu, sont parmi les victimes : le 30 avril, les Indiens Gamela de l’état du Maranhão ont subi une attaque qui a blessé 22 d'entre eux et deux d'entre eux ont eu les mains coupées à la machette.
Amnesty International, le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme, tous condamnent cette montée de la violence et l’impunité des agresseurs. Le Conseil des Droits de l’Homme à l’ONU, dans un rapport rendu public au mois de mai 2017, déclare que les peuples indiens sont soumis à des risques sans précédent depuis la promulgation de la Constitution de 1988.
Le même document recommande d’abandonner le projet d’amendement constitutionnel 215. Il s’agit là, comme on l’a vu plus haut, d’une proposition, issue des ruralistes, qui soustrairait la compétence des démarcations de terres indiennes au pouvoir exécutif et l’attribuerait au législatif. Une telle loi, tous s’en rendent compte, signifierait la fin de toute démarcation.
Les statistiques sur les conflits ruraux sont, de façon éloquente, grosso modo parallèles à celles sur la déforestation. Après une montée entre 2000 et 2004, les taux de déforestation en Amazonie décroissent (avec quelques fluctuations relativement modestes) jusqu’en 2012 mais ils remontent à partir de 2013. D’après les données de l’Institut National des Recherches Spatiales (INPE), qui se basent sur des images de satellites, quelques 8000 km2 de forêts ont disparu en 2016, soit un saut de 29% par rapport à l’année précédente. En conséquence, la Norvège qui alimente le Fond Amazonie a décidé de diminuer de moitié son apport pour cette année. L’Allemagne devrait suivre.
La justice : l’invention d’une limite temporelle.
La Constitution de 1988 a défini ce qu’est une terre indienne, à savoir le territoire nécessaire à la reproduction physique et culturelle de la société en question. Cette définition, bien entendu, offusque, et le front ruraliste entend l'anémier par tous les moyens. Le rapport de la Commission Parlementaire d’Enquête sur la FUNAI et l’INCRA reprend ainsi à son compte une thèse avancée par un secteur de la Cour Suprême du Brésil, tristement connue sous le nom de « marco temporal », ce qui pourrait se traduire par l’expression « limite temporelle ».
Alors que les droits des Amérindiens à leurs terres sont inscrits dans tous les textes constitutionnels brésiliens depuis 1934, l'interprétation proposée soutient que seuls les Amérindiens qui, le jour de la promulgation de la Constitution de 1988, se trouvaient dans leurs territoires, peuvent bénéficier de la reconnaissance de leurs droits à la terre.
À ceux qui font valoir qu'une telle interprétation ne saurait s’appliquer à des peuples expulsés de leurs territoires par la violence, on oppose une condition. Ils auraient à prouver qu’ils n’ont cessé de résister soit par les armes soit par la voie légale. C’est là une condition absurde devant la réalité des faits. Des juristes éminents ont déjà contesté ces thèses, et le vénérable salon noble de la Faculté de Droit de l’Université de São Paulo a été le théâtre d’une grande manifestation d'appui en novembre 2015.
Les destinataires de cette interprétation aberrante de la Constitution sont par exemple les Gamela du Maranhão, mais en premier lieu les Guarani du Centre-ouest du Brésil délogés de leurs terres à partir des années 1940. Parqués dans de petites réserves ou se résignant à travailler pour les usurpateurs, ils n’étaient pas, à l’époque, considérés légalement capables d’entamer un procès. Ce n’est que la Constitution de 1988 qui leur a reconnu cette capacité. Beaucoup de terres amérindiennes ont été soit morcelées et réduites, soit au contraire rectifiées et agrandies tout au long des gouvernements. Par le même argument du marco temporal, toute décision d'augmentation des terres après le 5 octobre 1988 serait susceptible d’être annulée. C’est ce qu’a déjà décidé une partie de la Cour Suprême à propos de trois terres amérindiennes, dont deux situées dans le centre-ouest du pays, où vivent les Terena et les Guarani-Kaiowá.
Les indiens, cernés par les trois pouvoirs.
On est frappé et indigné par la rapidité d’un processus qui, en quelques mois, a défiguré les droits de l’homme et la législation environnementale consacrés depuis 1988.
Quant aux Amérindiens, ils s’organisent et ils protestent. Selon l’Articulation des Peuples Indiens du Brésil (APIB), pas moins de 4000 Amérindiens de quelques 200 ethnies ont afflué à Brasilia entre le 24 et le 28 avril 2017 : c’est un record. En effet, chaque année, lors de la Journée nationale de l'Indien le 19 avril, en signe de protestation, les Amérindiens campent pour quelques jours sur la monumentale esplanade des Ministères conçue par le grand urbaniste Lúcio Costa. Cette année, la symbolique de cet espace était encore plus forte: face aux Amérindiens, la Chambre des députés et le Sénat; à leur gauche le palais présidentiel; à leur droite le Ministère de la Justice. Ils sont bel et bien cernés par ces trois pouvoirs.
Manuela Carneiro da Cunha Anthropologue, professeur émérite de l’Université de Chicago et de l’Université de São Paulo (USP), elle a travaillé sur l’histoire des dispositions légales concernant les peuples autochtones du Brésil, et —à l’époque, présidente de l’Association brésillenne d’anthropologie— elle a soutenu l’Assemblée constituante de 1988 pour inclure un chapitre complet et progressiste sur les droits autochtones. Elle a créé un Centre de recherches à l’USP dédié à l’histoire des autochtones qui a produit non seulement de la recherche mais aussi des données de valeurs pour l’établissement des revendications foncières autochtones. Ayant travaillé sur les savoirs traditionnels et la protection de la nature, elle est actuellement membre de la Taskforce sur les savoirs locaux et autochtones, de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques. Nommée par le minstère des Sciences, de la Technologie et de l’Innovation, elle conduit une étude et un projet pilote sur la mise en place d’une collaboration équitable entre la science universitaire et les savoirs traditionnels, et sur la revitalisation de ceux-ci. Elle a publié 6 livres et édité 4 autres. L’un de ses derniers essais en anglais a été publié, en 2009, dans la série Prickly Paradigm sous le titre“Culture” and culture. Traditional Knowledge and Intellectual Rights.
Informations sur les peuples indiens du Brésil sur le site du GITPA