Brésil

Attaque paramilitaire de ruralistes contre
les Guarani-Kaiowas dans le Mato-Grosso do sul

Message de la communauté Kaiowa de Guyra Kambiy (Mato Grosso, Brésil)

Le 29 Août 2015, un jeune guarani kaiowa de 24 ans Simeão Vilhalva, a été assassiné à Nhanderu Marangatu (municipalité Antonio João au Mato Grosso, Brésil).

Selon le CIMI (Conseil missionnaire indien), le crime a eu lieu lorsqu’un groupe de propriétaires terriens a voulu déloger par la force et à leur propre compte un groupe de Kaiowa qui occupait une parcelle de terre depuis le mois d’Août.
Ce territoire de Nhanderu Marangatu avait été démarqué en 2005 par le gouvernement fédéral en faveur de la communauté kaiowa. Mais ce jugement a été entravé et n’a pas pris effet.

Moins d'une semaine après la confrontation qui a causé la mort de Simeão Vilhalva, au sein de la communauté Guyra Kambiy (Douradina), les Kaiowa furent victimes de nouvelles attaques des propriétaires terriens, alors qu'ils tentaient d'étendre le territoire de trois hectares, sur lequel ils résidaient depuis 2011. Les 3, 4 et 5 septembre, la communauté a souffert d'importants conflits.

Les propriétaires terriens ont provoqué et affronté, menacé, intimidé à coup d'armes à feux et détruit les demeures et objets religieux de la communauté.

Le 5 septembre, après de nombreuses attaques, la communauté s'est repliée sur son ancien territoire. Par l'intermédiaire des autorités municipales, les leaders indigènes se sont engagés à rester sur leur campement, sans occuper de nouvelles zones ; en échange, les propriétaires terriens doivent cesser leurs attaques et se retirer immédiatement. Des accords comme ceux-ci permettent de limiter le nombre de blessés et de morts. Cependant, le conflit continue, il est grave et prend encore de l'ampleur. La communauté réunie le 6 septembre a dicté le message qui suit, afin de rendre publique sa situation et d'appeler à la solidarité.


Guarani kaiowa de tekoha Guyra Kambi’y. Fotos: Egon Heck.

Temoignages collectifs sur les évènements (en portugais)

Pour comprendre ce qui se passe voici l’historique rédigé par une anthropologue qui accompagne depuis de très nombreuses années les communautés indiennes de Dourados :

Guyra Kambiy est une communauté d'une vingtaine de familles fait partie de la communauté de Panambi (papillon, dans les langues tupi et guarani). Celle-ci appartient aux groupes kaiowa qui résistèrent, au début du XXème siècle, à la politique du Service de Protection de l'Indien (SPI), visant à regrouper les peuples indigènes dans des
« réserves ». Leurs grands-parents ont héroïquement refusé de rester dans la Réserve Indigène de Dourados, où ils ont été emmenés de nombreuses fois par les agents de l'État, et d'où ils sont maintes fois repartis à pied, pour regagner le Mato Grosso, Ka’aguy Rusu, qui était encore le leur.


Les documents officiels, les considéraient dès lors comme “encore indisciplinés et rebelles”. Malgré tout, leurs terres furent morcelées, par le contexte de réforme agraire, du gouvernement de Getúlio Vargas, dans les années 1940. Les Kaiowa se voyaient alors confinés sur une parcelle d'environ 360 hectares, encerclée de petites et grandes propriétés, qui furent données à des particuliers.

Les indigènes, considérés comme “rebelles”, pour ne pas avoir abandonné leur terre traditionnelle et être aller résider dans les réserves, ne furent reconnus officiellement par l'administration, qu'à partir de 1965, avec la création du Poste Indigène Panambi.

Bien qu'il existe, depuis les années 1960, des études historico-anthropologiques, sur la situation des kaiowa dans la région, aucune n'a été suivie de démarcation définitive des terres indigènes depuis plus de cinquante ans.

Diverses communautés indigènes résidant ou provenant d’anciens villages “aldeia velha”, d'environ 360 hectares, ont fait pression sur le gouvernement ces dernières années, en pratiquant les réoccupations (retomadas) de petites parcelles du territoire revendiqué, aujourd'hui aux mains des particuliers.

En 2005, une communauté de 220 personnes a occupé le coin d'une propriété terrienne voisine. Suite à l'intervention du Ministère Public Fédéral ainsi qu'à la promesse de ce dernier d'améliorer certains services et d'initier de nouvelles études anthropologiques, la communauté a regagné l'”aldeia velha”.

En 2009, la communauté d'Itay (environ 200 personnes) a repris une autre parcelle de sa terre, et fut violemment réprimée par les propriétaires. Toutefois, elle a résisté et s'est maintenue sur le territoire, non sans difficultés, jusqu'à aujourd'hui.

En 2011, la communauté Guyra Kambiy (environ 100 personnes) a repris une petite parcelle du territoire de la propriété terrienne voisine où elle réside jusqu'à aujourd'hui.

La même année, en 2011, le dernier compte-rendu technique sur la Terre Indigène Panambi - Lagoa Rica (de laquelle les communautés Guyra Kambiy e Itay font, entre autres, parties) a été remis au Ministère de la Justice. Après l'avoir identifié, celui-ci a délimité et reconnu une zone de 12.191 hectares comme terre indigène.

Cependant, depuis janvier 2012, le processus de démarcation est suspendu par la justice.

Durant cette attente de plus de trois ans, aucune réponse encourageante n'a été apportée par l'État. De par l'extrême lenteur de l'administration et de la justice étatique, d'une part, et du pouvoir d'intervention et d'intimidation des propriétaires terriens de l'autre, les communautés indigènes, ont adopté la, non moins risquée solution des
« retomadas ». Ces-dernières ont une signification magico-politique. Pour les indigènes, l'action de mobilisation en faveur d'une reprise symbolique de la terre indigène, mobilise, d'une certaine manière, les personnes et les groupes responsables du processus de démarcation et crée un fait social qui doit être rendu visible aux yeux de la société et communiqué à Brasília. Loin de diminuer la volonté et la foi de la communauté, les « retomadas » maintiennent le vif espoir de récupérer les espaces perdus. Ainsi, le trois septembre 2015, la communauté Guyra Kambiy a pénétré sur la propriété terrienne contiguë à son campement, afin d'élargir les trois hectares qu'elle occupe.

Temoignage d'un membre du Campement Guyra Kambiy

Message du Conselho Indigenista Missionário (Conseil Indigène Missionnaire)

Informations sur les Guarani sur le site du GITPA

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