Des documents secrets du gouvernement chinois, obtenus par le Consortium international des journalistes d’enquête, révèlent les détails d’un imposant système de détention extrajudiciaire, d’endoctrinement et de travaux forcés visant la minorité ouïgoure. Des dortoirs verrouillés à double tour, des tours de guet imposantes, des postes de police devant les entrées et des directives strictes pour empêcher les « élèves » de s’évader. Voilà la face cachée de ce que Pékin affirme publiquement n’être que de simples centres de rééducation et de formation professionnelle.
La source de ces révélations est étonnante, car il s’agit de documents secrets provenant du gouvernement chinois lui-même. Dans ces documents, examinés par l’émission Enquête, on trouve entre autres une liste d’instructions détaillées sur la gestion et le fonctionnement interne des camps, signée par un haut dirigeant du Parti communiste dans la région du Xinjiang, Zhu Hailun. « Ça révèle une tout autre réalité que ce que la Chine veut nous faire croire, et ça révèle un écart important entre ce qui se passe de façon officielle dans les documents qui sont partagés entre les fonctionnaires et ce qui est distribué aux audiences internationales », note la professeure Vanessa Frangville, responsable de la Chaire d’études chinoises à l’Université libre de Bruxelles.
Selon l’ONU, plus d’un million de membres de la minorité musulmane ouïgoure ont été internés dans ces camps. Le chercheur allemand Adrian Zenz estime que ce nombre pourrait même atteindre 1,8 million, soit près de 20 % de leur population. Il s’agirait de l’internement de masse ethnoculturel le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale.
M. Zenz croit que ceux qui sont à l’origine de la fuite courent d’énormes risques. « Ils ont probablement risqué leur vie, parce que ce document contient – selon la propre définition du gouvernement – des secrets d’État dont la fuite pourrait porter une atteinte grave à l’intérêt national », dit-il.
Un document secret du gouvernement chinois intitulé « Les avis sur le renforcement et la normalisation du fonctionnement des centres d’éducation et de formation professionnelle », signé par Zhu Hailun, le numéro 2 du Parti communiste dans la région de Xinjiang.
ICIJ Le Consortium international des journalistes d’enquête (ICIJ) a fait part de cette fuite à 17 médias, dont CBC/Radio-Canada, Le Monde, la BBC, The Guardian, NBC, Associated Press et le New York Times. Ces médias ont contacté divers experts qui jugent que les documents sont authentiques. Le gouvernement chinois n’a pas répondu aux questions envoyées par l’ICIJ. Interrogé à Londres par la BBC, l’ambassadeur de la Chine au Royaume-Uni a déclaré, sans toutefois avoir vu les documents en cause, qu’il s’agissait d’une « pure invention ».
Source : Radio Canada
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